L’Europe veut encore accélérer la cadence pour parvenir à un parc immobilier vertueux en 2050. Le Conseil de l’UE a approuvé fin octobre des règles plus strictes en matière de performance énergétique des bâtiments. Le projet de directive devra encore être discuté avant d’être adopté, mais il annonce déjà un tour de vis supplémentaire.
Et dire que le calendrier de la loi Climat et résilience semblait déjà insurmontable à certains. Le projet de directive apparaît plus ambitieux encore. Pas d’autre choix, si on veut que tout le parc immobilier européen soit à émissions nulles en 2050. “Près de 75 % du parc est inefficace au regard des normes de
construction actuelles, et 85 à 95% des bâtiments existant aujourd’hui seront encore là en 2050, explique le Conseil de l’Union européenne. Pourtant, le taux annuel de rénovation énergétique demeure faible, environ 1%.”
Le neuf à émissions nulles dès 2030
Dans le neuf, d’abord. Tous les bâtiments publics devront montrer l’exemple et être à émissions nulles dès 2028. À partir de 2030, tous les bâtiments neufs, quelle que soit leur destination, sont concernés. Par ricochet, le DPE devrait s’enrichir de deux nouvelles classes énergétiques: A0 pour les bâtiments à émissions nulles “ne requérant aucune énergie ou seulement une très faible quantité d’énergie” et éventuellement, A+ pour les bâtiments qui en plus d’être à émissions nulles produise davantage d’énergie qu’ils n’en consomment à partir de sources renouvelables.
Le photovoltaïque devrait aussi gagner du terrain, puisque l’Europe demande aux États membres de veiller à son déploiement. Cette évolution doit se faire progressivement, mais rapidement: dès 2026, les bâtiments publics neufs non résidentiels avec une surface utile de 250 m² minimum devront songer à l’énergie solaire en toiture ou en façade; l’année suivante, ce sera au tour des bâtiments publics non résidentiels avec 400 m² de surface, objets d’une rénovation importante, et enfin en 2030, pour tous les bâtiments résidentiels neufs, quelle que soit leur superficie.
Du D minimum en cas de vente, de don ou de location
Pour l’existant, le texte prévoit des normes minimales de performance énergétique qui correspondraient à la quantité maximale d’énergie primaire que les bâtiments peuvent consommer annuellement par m². Dans le non résidentiel, les 15% de bâtiments les plus énergivores devront être rénovés d’ici à 2030, les 25% d’ici à 2034.
Dans le résidentiel, l’Europe souhaite une classe D moyenne à horizon 2033. Oui, mais pour l’ensemble du parc. Autrement dit, la France remplit déjà cet objectif, puisque la consommation moyenne de son parc résidentiel correspond à une classe D. Mais l’Europe envisage d’autres mesures: levée des “obstacles réglementaires” dans les copropriétés, qui empêchent la rénovation d’éléments communs, et surtout une obligation pour les “maisons unifamiliales” de respecter une classe D minimum.
C’est une grande nouveauté qui n’a pas fini de faire parler d’elle. Car jusqu’à présent, seuls les biens du parc locatif étaient visés par une exigence de performance énergétique minimale (G à partir de 2025, F à partir de 2028). Pour le coup, on parle des maisons louées, mais aussi celles vendues ou même transmises. À partir de 2028, si elles ne sont pas classées D, leurs propriétaires disposeront de 5 ans (à compter de la vente, de la location, ou du don) pour être dans les clous.
Une rénovation moins mono-thématique
La rénovation voulue par l’Europe se veut aussi plus ambitieuse. On ne parle plus seulement d’émissions de gaz à effet de serre ou de consommations énergétiques, l’Europe plaide pour une “rénovation en profondeur”. La grande vague de rénovations doit devenir “une occasion privilégiée d’aborder d’autres aspects”.
Quelques exemples sont fournis par le projet de directive. Pêle-mêle, on trouve la résilience en cas de catastrophes, la sécurité incendie, l’accessibilité, l’élimination de substances dangereuses, à commencer par l’amiante expressément cité. “Les États membres devraient apporter leur soutien aux améliorations de la performance énergétique des bâtiments existants qui contribuent à créer un environnement sain à l’intérieur des bâtiments, notamment en prévoyant le retrait de l’amiante et d’autres substances nocives, en empêchant le retrait illégal de substances nocive.”
Traiter l’amiante en même temps que la rénovation, l’Europe planche déjà sur le sujet avec la révision de la directive sur la protection des travailleurs. Ce projet prévoit justement que le repérage et le traitement de l’amiante soient aussi financés dans le cadre de la rénovation énergétique, afin de ne pas engendrer d’expositions supplémentaires.
Toujours dans une perspective de rénovation globale, la qualité de l’air intérieur est aussi une préoccupation pour l’Europe. On le sait, plus on isole et plus on risque de détériorer la qualité de l’air intérieur avec tout ce que cela suggère comme pathologies. Le projet de DPEB (Directive sur la performance énergétique des bâtiments) demande donc l’installation de dispositifs de contrôle et de régulation de la qualité de l’air intérieur pour les bâtiments non résidentiels à émissions nulles mais aussi pour un bâtiment existant, en cas de rénovation importante.
Le texte peut déjà sembler ambitieux, mais la version finale pourrait l’être davantage encore. Six pays d’Europe de l’ouest (Allemagne, France, Luxembourg, Belgique, Pays-Bas et Irlande) ont d’ores et déjà manifesté leur insatisfaction dans une déclaration commune. “Les ambitions pour les standards minimaux de performance énergétique devaient être relevés substantiellement”, expliquent-ils, réclamant des objectifs intermédiaires pour constituer une “trajectoire linéaire” vers 2050. De nouvelles négociations avec les eurodéputés sont prévues courant 2023. À voir si ces six pays arriveront à faire pencher la balance en leur faveur pour “renforcer l’ambition” de la rénovation énergétique européenne.
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