Rénovation énergétique : le casse-tête du reste à charge

ISolation combles

« Simplifier l’accès à la Prime Rénov’ », ce sont les mots du Premier ministre lors de son discours de politique générale. La prime de transition énergétique a pourtant été profondément remaniée au 1er janvier, mais elle n’échappe pas aux critiques. En imposant aux passoires F et G une rénovation globale, plus vertueuse et donc plus onéreuse, elle contribue à exclure des catégories de ménages confrontées à un reste à charge souvent rédhibitoire.

Les pouvoirs publics ont beaucoup communiqué sur le sujet depuis plusieurs semaines. MaPrimeRénov’ revue et corrigée en 2024 se veut plus généreuse. Six milliards d’euros mis sur la table, et jusque 90% du montant des travaux financés en cas de rénovation globale avec un plafond de 70.000 euros. En clair, à peine quelques milliers d’euros laissés à la charge des ménages. La bonne affaire.

Mais comme souvent, il y a un astérisque. D’abord, tout le monde n’a pas accès aux largesses de l’État. Pour bénéficier d’un financement maximum les ménages doivent appartenir à la catégorie dite des revenus « très modestes ». Même si les plafonds ont été revalorisés fin 2023, cela signifie un revenu fiscal de référence qui ne dépasse pas 17.009 euros en province, 23.541 euros en Ile-de-France pour une personne seule. L’astérisque est double, la prise en charge de 90% comprend aussi le bonus de 10% « sortie de passoire énergétique ».

Pour les autres ménages, MaPrimeRénov’ se montre moins généreuse et laisse une addition souvent douloureuse. Surtout lorsqu’ils habitent une passoire F ou G. Ces foyers privés d’aides pour les travaux monogestes à partir du 1er juillet 2024, n’auront d’autre alternative que de se lancer dans un parcours accompagné et une rénovation d’ampleur.

La Capeb a déjà exprimé ses craintes : la prime risque d’« exclure trop de ménages susceptibles d’engager des travaux, à défaut d’aides ou par manque de financement d’un reste à charge trop lourd ». D’autant que ces coûts seront encore alourdis par le recours obligatoire à MonAccompagnateurRénov’, pris intégralement en charge pour les ménages les plus modestes, mais ajoutant encore un reste à charge supplémentaire aux autres catégories.

« Au regard des conditions à remplir pour s’engager dans ce parcours et donc du coût que cela implique, faute de pouvoir assumer le reste à charge ainsi que de la très grande difficulté à intervenir en site occupé, seul un nombre réduit de ménages pourra, dans la pratique, bénéficier de cette aide, laissant les autres dans une situation de précarité énergétique », alertait la Capeb dès décembre.

Les aides augmentent, le reste à charge aussi

La question du reste à charge a déjà été éclairée en 2023, par Hellio. Dans une étude réalisée en juin, la plateforme spécialisée dans les travaux de rénovation énergétique, montrait dans un contexte inflationniste, la hausse du reste à charge des ménages, malgré une PrimeRénov’ revalorisée. « Dans le cas d’une rénovation globale, le reste à charge est ainsi estimé à 39.513 € pour un ménage précaire et 44 013 € pour un foyer modeste en avril 2023, soit une augmentation respectivement de 12 % et de 25 % par rapport à janvier 2021 ».

Cela vaut pour une rénovation globale, cela vaut aussi pour les équipements de chauffage à énergies renouvelables, pourtant bien subventionnés. « Pour une pompe à chaleur air/eau, un ménage précaire (hors sortie de fioul) doit aujourd’hui débourser 6.442 € après déduction des aides, soit 1.774 € de plus qu’en janvier 2021. » Idem pour la chaudière biomasse -dont l’aide sera rabotée de 30% au 1er avril 2024-, ou pour l’isolation des murs. Malgré les aides parfois plus généreuses au cours des dernières années, le reste à charge a pourtant augmenté, victime de l’inflation des coûts de matériaux et de la main d’œuvre.

Ce reste à charge demeure une épine dans le pied de la rénovation. Le gouvernement compte d’abord sur l’éco-PTZ, dont l’accès a été simplifié puisque la notification de MaPrimeRénov’, permet de se dispenser d’une démarche souvent fastidieuse. Lancé en 2009, ce prêt à taux zéro semble enfin sorti de la confidentialité : plus de 61.000 éco-PTZ délivrés en 2021 (un record !), 82.000 en 2022 (encore un record) souvent auprès des ménages les plus aisés. Car si l’accès au prêt s’est assoupli, il reste encore compliqué pour les ménages modestes qui malgré un reste à charge plus réduit, rencontrent aussi davantage de difficultés à se obtenir ce prêt, en raison de faibles revenus.

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