Le continent perd du terrain. Face l’inéluctable recul du trait de côte, le Cerema vient de dévoiler trois scénarios. Premier exercice du genre, il dresse ainsi un inventaire des bâtiments et infrastructures qui pourraient directement être touchés d’ici 2050 et au-delà. Un millier d’ici 2028, 450.000 à la fin du siècle dans le scénario catastrophe.
C’est une autre conséquence du changement climatique. De Dunkerque à Hendaye, de Cerbère à Menton, sans oublier la Corse et les outre-mer, 900 kilomètres de littoral sont directement menacés par le recul du trait de côte. Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, tout le monde ne voit pas la mer arriver à la même vitesse. Selon le Cerema, le recul est déjà amorcé sur 20% du littoral. Certaines communes sont d’ores et déjà touchées, quand d’autres bénéficient d’un sursis.
Selon le ministère de la Transition écologique, 500 communes doivent d’ores et déjà s’adapter à l’érosion côtière. Quelque 250 se sont déjà saisies des outils mis en place par l’ordonnance de 2022, notamment en réalisant des projections sur l’évolution du littoral dans les décennies à venir. Mais l’étude du Cerema montre que bien plus de communes sont concernées.
Des milliards d’euros à l’eau
Premier scénario, tout proche de nous. En 2028, le Cerema estime qu’un millier de bâtiments sont menacés, principalement des bâtiments résidentiels (300) et commerciaux (190) d’une valeur globale de 240 millions d’euros. Le Cerema a recensé les bâtiments situés à proximité immédiate du trait de côte mais aussi ceux qui se trouvent « potentiellement exposés à un recul évènementiel ». Par exemple dans le cas de tempêtes marines ou d’éboulements. « C’est un scénario probable : s’il ne signifie pas que tous les bâtiments partiront à la mer, ces bâtiments sont proches de zones en recul ou instables », explique le ministère de la Transition écologique.
Le pire reste cependant à venir. Dans le deuxième scénario qui nous emmène en 2050, 5.200 logements seraient menacés, dont 2.000 résidences secondaires, pour une valeur vénale estimée à 1,1 milliard d’euros. Viennent aussi s’ajouter 1.400 locaux d’activité pour un coût de 120 millions d’euros. Ce scénario jugé « objectif et vraisemblable » repose toutefois sur l’hypothèse d’un maintien en place et d’un entretien régulier de tous les ouvrages de protection du littoral afin de limiter les dégâts.
Mais c’est surtout le scénario à horizon 2100 qui laisse perplexe. Les chiffres sont si colossaux… A la fin du siècle, « ce sont 450.000 logements pour une valeur vénale de 86 milliards d’euros, 55.000 locaux d’activités pour une valeur vénale de 8 milliards d’euros, 10.000 bâtiments publics, 1.800 km de routes et 240 km de voies ferrées qui pourraient être impactés si rien n’est fait ». Dans son hypothèse, le Cerema retient ainsi une hausse possible du niveau de la mer d’un mètre, qui correspond à une estimation haute du Giec.
Un outil de mobilisation
Plus qu’une prédiction infaillible, il s’agit toutefois d’« un scénario d’inaction », précise le ministère de la Transition écologique. En clair, toutes les structures de défense côtière disparaitraient et l’eau recouvrirait toutes les zones situées en dessous du niveau de la mer. Le pire est donc évitable.
Pour le ministère, « les rapports réalisés par le Cerema permettent de mieux appréhender l’érosion côtière à l’échelle de l’hexagone et des outre-mer ». Si les chiffres peuvent sembler effrayants, ils « doivent être considérés comme des ordres de grandeur et des tendances afin de nourrir les réflexions du CNTC (Comité national du trait de côte) ». Ils forment aussi un plaidoyer pour financer davantage des mesures susceptibles de limiter la casse. Car les scénarios montrent -si besoin en était- combien le coût de l’inaction se révèle autrement plus douloureux que tous les investissements dédiés à l’adaptation au changement climatique.
La présentation du Plan d’adaptation au changement climatique (PNACC3) est justement prévue sous quelques semaines. A cette occasion, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique devrait effectuer plusieurs annonces. Il devrait notamment en dire davantage sur la transformation du fonds Barnier en fonds d’adaptation pour mieux prendre en compte le changement climatique. Ce fonds devrait permettre d’améliorer la prévention, mais aussi de mieux accompagner les Français victimes du réchauffement climatique. Car aujourd’hui, le recul du trait de côte ne fait pas partie des sinistres indemnisables par les assurances.
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