L’information sur les risques est essentielle en cas de vente. Pas forcément accessible du commun du mortel, souvent vécue comme un vulgaire acte administratif, elle réclame parfois quelques explications, en particulier lorsque des contradictions s’affichent dans l’acte de vente et ses annexes. Au notaire alors de se montrer vigilant.
À l’origine, il s’agissait d’un entrepôt en bordure de la Saône. Mais l’acquéreur a bien stipulé au notaire qu’il souhaitait le transformer en appartements pour les louer. Rien ne semble s’y opposer, l’acte de vente précise que le local ne se trouve pas en zone inondable, la vente peut donc se faire. Nous sommes en septembre 2018.
Les ennuis arrivent dès l’année suivante, lorsque le nouveau propriétaire transmet sa déclaration de travaux à la mairie de sa commune : prière de déposer un permis de construire, une partie du bâtiment se trouve dans la zone rouge du PPRI (plan de prévention des risques d’inondation). Souci, si les travaux restent autorisés dans cette zone inondable, en revanche, le changement de destination n’est pas permis, à moins de diminuer le risque inondation, ce qui n’est pas vraiment le cas ici. La demande de permis de construire est donc logiquement refusée : l’implantation partielle de l’immeuble en zone rouge interdit la construction de logements neufs.
La machine judiciaire se met en branle. Le nouveau propriétaire poursuit le notaire pour défaut de conseil. Car si l’acte authentique de vente assure que le bien n’est pas situé en zone inondable, plusieurs pièces annexées disent, elles, le contraire. L’acquéreur reproche donc au notaire de ne pas avoir attiré son attention sur cette contradiction alors qu’il était informé du projet de transformation du bâtiment.
“Erreur de plume” du notaire
Du côté du notaire, on rappelle que l’acquéreur n’a rien d’un profane, déjà associé dans une autre opération immobilière. Malgré cette « erreur de plume », il ne pouvait donc ignorer que le bien était situé en zone inondable, d’autant qu’il avait signé les annexes qui, elles, montraient la réelle situation du bâtiment.
La cour d’appel de Besançon retient cependant une faute du notaire. “Le notaire a d’abord manqué à ses devoirs en établissant un acte de vente et un acte de prêt contenant des mentions incompatibles entre elles.” “L’acte de vente indique expressément que le bien n’est pas situé en zone inondable alors qu’est annexé au même acte un certificat communal indiquant au contraire que le bien est soumis au plan de prévention des risques d’inondation, corroboré par un état des risques et pollutions. De plus, l’acte de vente mentionne que le bien est à usage d’entrepôt, alors que le prêt indique un usage d’habitation principale. Le notaire aurait dû détecter et corriger ces incohérences.”
Deuxième erreur, informé du projet de transformation de l’acquéreur, le notaire aurait également dû s’assurer de la compatibilité du projet avec les règles d’urbanismes en vigueur dans la commune. Conclusion de la cour d’appel, ces manquements ont fait perdre une chance de ne pas acquérir l’immeuble litigieux.
Pas de préjudice, pas de réparation
Si la perte de chance est établie, le préjudice lui apparaît plus délicat. Plutôt que de demander l’annulation de la vente, l’acquéreur réclame 100.000 euros au titre de la perte de chance. Deux fois le prix d’acquisition (48.000 euros)! La somme comprend la restitution du prix de vente, les frais liés, le prêt bancaire, la dégradation de sa situation financière pour ne pas avoir mené le projet locatif envisagé et quelques menus travaux. Gourmand, trop peut-être, d’autant que même en ayant connaissance de la situation de l’immeuble, rien ne dit qu’il aurait renoncé à son achat : la cour d‘appel relève que “postérieurement à sa prétendue déconvenue, il a acquis un pavillon jouxtant l’entrepôt et situé dans la même zone inondable”. Et cette fois, en toute connaissance de cause.
La cour d’appel rejette donc sa demande : sans annulation de la vente, il ne peut demander la restitution du montant de l’acquisition. “Si le défaut de conseil du notaire a privé (l’acquéreur) d’une chance de ne pas contracter, il n’en résulte aucun droit à restitution du prix dès lors que la vente n’est pas annulée, que (l’acquéreur) conserve le bien dans son patrimoine et qu’il pourra le revendre ultérieurement.” Quant aux autres demandes indemnitaires, l’acquéreur ne parvient pas à démontrer son préjudice. Le notaire a donc bien commis une erreur, mais faute d’un préjudice établi, l’acquéreur se voit débouté de ses demandes.
Cour d’appel de Besançon, 28 mars 2023, n° 21-01380.
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