Pragmatique. Le mot revient souvent dans la présentation du rapport de la commission d’enquête au Sénat sur l’efficacité des politiques de rénovation énergétique. Pas question de bouleverser ce qui existe déjà, encore moins d’imaginer de nouveaux objectifs qui seraient encore plus ambitieux. Essayons d’abord d’atteindre ceux qui ont été fixés. Les 23 propositions formulées dans le copieux rapport dévoilé ce mercredi, cherchent d’abord à mettre de l’huile dans une mécanique de la rénovation longtemps grippée.
Quinze ans que les gouvernements successifs parlent de rénovation énergétique, quinze ans que ce chantier patine loin, très loin des ambitions. Oui, MaPrimeRénov’ a effectivement permis de massifier, enfin, cette rénovation. Avec un sérieux bémol cependant, puisque les travaux restent le plus souvent monogestes avec une efficacité loin d’être prouvée.
En six mois de travaux, la commission d’enquête au Sénat a entendu les ministres qui se sont succédé à l’écologie ou au logement, pour comprendre pourquoi notre pays n’y parvenait pas malgré les milliards d’euros engloutis. Des mauvais choix, il y en a eu. Un manque de volonté aussi parfois. La commission ne s’y attarde pas, préférant évoquer les solutions. Guillaume Gontard, rapporteur et sénateur de l’Isère se voit « au bas d’une montagne ». Haute, forcément. « Nous sommes encore à rechercher le chemin pour gravir la montagne et atteindre le sommet. »
Valse de ministres et stop and go permanent
Quinze ans que l’on cherche le chemin, et que l’on en change au gré des remaniements gouvernementaux. « Ce changement permanent en fonction des ministères est dommageable », regrette Guillaume Gontard. Avec des aides, MaPrimeRénov’ en tête, qui bougent sans cesse. « Cela amène de l’attentisme et de la confusion. » Pour le rapporteur, il devient essentiel de mettre un terme à ce “stop and go” pour garantir la stabilité du dispositif d’aides grâce à une programmation pluriannuelle et disposer d’une « trajectoire sur plusieurs années ». « Tous les ministres que nous avons entendus nous ont dit avoir besoin de cette visibilité. »
Les propositions de la commission d’enquête ne cherchent pas à revoir le dispositif, mais plutôt à l’améliorer. Certaines semblent même déjà dans les tuyaux. Comme la promotion d’une rénovation plus globale, forcément plus efficace, désormais défendue par le gouvernement, ou une rénovation solidaire avec « des aides jusqu’à 45.000 euros » et un reste à charge réduit à peau de chagrin pour les ménages les moins aisés. Les dernières annonces d’Elisabeth Borne début juin, allaient en ce sens.
Pourtant, les propositions de la commission d’enquête ne vont pas toujours dans le sens de l’exécutif. Le rapport plaide en faveur d’un mix énergétique et rejette l’idée du tout-électrique vers lequel on semble s’acheminer : la rénovation énergétique ne peut être réduite uniquement à des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. « C’est une question beaucoup plus large que la décarbonation. Il faut vraiment avoir cette vision globale », selon le rapporteur.
Un DPE aussi pour obtenir les aides
Le DPE, « outil central » de la rénovation, doit aussi être revu et corrigé. Signe de son importance dans le dispositif de rénovation, le diagnostic de performance énergétique aura d’ailleurs concentré nombre de questions au cours de la conférence de presse, ce mercredi. Le diagnostic est essentiel à la politique de rénovation, mais la commission d’enquête estime que l’outil doit être « plus robuste » et inspirer davantage la confiance.
Là aussi, les propositions ont parfois été entendues comme la professionnalisation des diagnostiqueurs sur laquelle travaille actuellement le gouvernement avec un nouvel arrêté compétences, l’instauration d’une carte professionnelle ou l’opposabilité du DPE collectif dans les copropriétés. La commission propose aussi des améliorations techniques pour le diagnostic avec la prise en compte du confort d’été, une correction des dysfonctionnements existant pour les petites surfaces et surtout une meilleure prise en compte des caractéristiques du bâti ancien, quitte à repasser par la méthode de factures en attendant qu’une nouvelle version soit disponible…
Loin de remettre en cause le DPE, la commission d’enquête propose au contraire d’élargir son utilisation au-delà des ventes ou location avec « un DPE obligatoire pour l’ensemble des aides ». En clair, quiconque solliciterait une aide de l’État devrait réaliser un diagnostic. « Cela permettrait de sécuriser le parcours de rénovation », selon Guillaume Gontard qui y voit un bon moyen pour lutter contre les fraudes et abus en tous genres drainés par la rénovation. Car avec un DPE obligatoire avant les travaux, les ménages seraient nécessairement mieux informés et donc mieux armés face aux démarcheurs peu scrupuleux.
Une proposition comme beaucoup d’autres que les sénateurs tenteront peut-être de traduire maintenant par voie d’amendements dans le cadre du projet de loi de finance, ou même par « un véhicule législatif » selon Dominique Estrosi-Sassone. Car l’ambition des membres de la commission n’est pas que le rapport dorme au fond d’un tiroir. Pragmatique, on l’a dit.
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