Vendre un bien infesté par un champignon? Personne n’a envie. Mais c’est encore la moins mauvaise solution. Plus de dix ans après, la cour d’appel d’Angers vient d’annuler la vente d’une maison infestée par un champignon.
Il ne leur aura pas fallu longtemps pour déchanter. En 2013, alors qu’ils ont pris possession des lieux quelques semaines auparavant, un couple d’acquéreurs constate une humidité importante dans la buanderie. Bizarre. Un expert privé est sollicité, ils constatent des désordres, le marathon judiciaire commence.
L’expertise judiciaire confirmera effectivement un taux d’humidité excessif. La maison à ossature bois réalisée en 2001 n’a pas respecté les règles de l’art: ventilation inefficace dans le vide sanitaire, un pare-pluie posé à l’envers sous le plancher bois… « Une forte condensation » qui est « la résultante de plusieurs malfaçons et non-conformités dans la mise en œuvre » selon les mots de l’expert.
Tous les ingrédients sont réunis pour permettre à une mérule de se développer selon l’expert. Lors de leurs visites, les acquéreurs avaient bien remarqué quelques traces d’humidité et de moisissures sous l’évier de la cuisine, mais « ceux-ci n’était pas en mesure d’en apprécier la portée car la présence de mérule dans le vide sanitaire, en germe avant la conclusion de la vente, n’a été révélée que par l’expertise judiciaire ».
La mérule n’est pas le seul champignon à faire des dégâts
Dommage, les vendeurs n’avaient pas produit d’état parasitaire. Que les vendeurs n’aient pas eu connaissance de l’infestation ne change rien. Le vendeur, métreur, a fait office de maître d’œuvre et de constructeur de la maison, il a lui-même établi les plans, il a lui-même participé aux travaux de construction, et notamment le plancher posé sur le vide sanitaire. La cour d’appel lui reconnait donc la qualité de professionnel de l’immobilier, « présumé comme tel avoir connaissance des vices du bien vendu ».
Peu importe que le champignon ne soit pas une mérule comme le premier expert judiciaire le pensait. Une nouvelle expertise (la procédure s’étale sur dix ans !) conclura à une infestation de Antrodia serialis. Moins connu que la « Serpula lacrymans », avec un développement moins spectaculaire, cette autre variété de champignon lignivore provoque aussi de sérieux dégâts. En témoigne cette maison angevine, où la structure porteuse du plancher se trouve fragilisée en certains endroits.
Pour les vendeurs, l’addition est salée. La justice avait déjà annulé la vente, les condamnant à restituer 160.000 euros. La cour d’appel alourdit encore la condamnation. Ils devront également rembourser les intérêts versés en pure perte sur les emprunts contractés par les acquéreurs (26.000 euros) ainsi que les frais de notaire (12.000 euros) et les frais de déménagement (2.000 euros).
Cour d’appel d’Angers, 10 juillet 2023, n° 18/02382.
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