Le premier rapport du diagnostiqueur, en 2013, n’avait pas tout dit. Un deuxième repérage, quatre ans plus tard, révèle des flocages en piteux état dans une école de Toulon. La commune estime qu’elle a dû désamianter en catastrophe, et elle entend que le diagnostiqueur prenne à son compte les surcoûts engendrés.
Comme souvent dans les établissements scolaires de France ou de Navarre, le diagnostiqueur a trouvé de l’amiante dans cette école primaire de Toulon. Le DTA réalisé en 2013 mentionne 17 matériaux contenant de l’amiante, dont deux réclamant une action corrective. Rien cependant dans le réfectoire de l’établissement.
Quatre ans plus tard, alors que des travaux doivent justement être réalisés dans cette partie du bâtiment, un nouveau repérage est effectué. Cette fois, le rapport conclut à la présence d’amiante sur le flocage des poutres métalliques du rez-de-chaussée du bâtiment, et la présence de fibres d’amiante dans le plénum du faux-plafond d’une salle de classe et de deux réfectoires.
“Une pluie de fibres dans le plénum”
A la lecture de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, la situation apparaît même alarmante. La présence d’amiante a été confirmée “sur 900m² et sur un matériau aussi ancien, sollicité par les enfants qui courent à l’étage provoquant des vibrations qui entraîne une pluie de fibres dans le plénum”. La municipalité de Toulon avait déjà programmé des travaux de réfection pour les semaines qui suivent, elle devra déclencher des “travaux lourds de désamiantage”, “dans des délais très contraints”.
“Compte tenu des conditions d’urgence dans lesquelles ces travaux ont été menés”, la commune invoque “un surcoût important pour elle”. Face à la justice, elle réclame plus de 170.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. Elle soutient ainsi que le diagnostiqueur a manqué à ses obligations contractuelles et que si le diagnostic de 2013 avait été correctement effectué, elle aurait pu anticiper: “En 2013, l’état de dégradation du plafond du réfectoire n’aurait probablement pas été aussi avancée qu’il le fût en 2017, et n’aurait pas nécessité la réalisation de travaux dans l’urgence.”
Une faute, mais pas de préjudice démontré
Pour la défense, la société de diagnostics n’a commis aucune faute puisque “la mission était d’établir le dossier technique amiante et non de procéder à un repérage amiante avant-vente ou avant-travaux ou démolition”. Le DTA de 2013 devait reprendre les précédents diagnostics réalisés. “Il n’entrait pas dans la mission (…) de refaire les repérages précédemment effectués ni de procéder à des prélèvements pour analyses sur des matériaux qui avaient été considérés précédemment comme ne contenant pas de l’amiante.” La cour d’appel balaye cependant l’argument, retenant des “erreurs ou carences du rapport” révélant “un manquement aux diligences normales attendues d’un professionnel pour la mission qui lui était confiée”.
Que le diagnostiqueur ait commis une faute ne signifie pas pour autant qu’il y ait un préjudice. “Si ces carences constituent une inexécution de nature à justifier la résiliation du contrat, aux torts exclusifs de la société X, elles ne sont de nature à engager sa responsabilité que s’il en est résulté un dommage pour la commune de Toulon.” La cour administrative d’appel estime que le préjudice n’est pas démontré, la commune ne justifie pas de l’urgence et elle aurait dû de toute façon désamianter si le diagnostic de 2013 avait été correct. “Ce surcoût des travaux qui devaient être entrepris, et qui l’ont été en dix jours en 2017 avant la rentrée scolaire 2017-2018, résulte d’un choix délibéré de la commune de Toulon et non de l’exécution défectueuse de la société X de ses obligations contractuelles en 2013.” La commune de Toulon se voit donc à nouveau déboutée.
CAA de Marseille, 6e chambre, 31 janvier 2022, 20MA03822.
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