L’amiante fait peur. Mais que des matériaux et produits amiantés soient toujours en place dans le logement, n’est pas forcément synonyme de risque pour la santé des occupants. Y compris en cas de travaux, si toutes les précautions sont prises. La cour d’appel de Paris vient ainsi de débouter deux locataires qui s’opposaient à la réalisation de travaux chez eux à cause de l’amiante.
Tout ce qui est sorti de terre avant 1997 a de bonnes chances de contenir de l’amiante. On en a mis partout. Et un peu plus encore, dans le logement social. Du coup, quels que soient les travaux, le risque amiante ne doit pas être négligé.
Depuis 2021, un couple de locataires parisiens refuse toutefois de laisser le bailleur et les entreprises accéder à son logement. Dans les autres appartements de l’immeuble, les travaux ont été réalisés, eux résistent, convaincus que l’amiante de leur logement présente un risque pour leur santé et que des travaux libéreraient des fibres chez eux.
Nous sommes sur de la petite rénovation : remplacement des bouches de ventilation, changement de WC, dépose des faïences dans la salle de bain et la cuisine, travaux de plomberie, peinture, détalonnage des portes, pose d’un sol souple… Mais même les travaux les plus anodins en apparence ne sont pas exempts du risque amiante. Pour ceux qui les exécutent comme pour les occupants.
De l’amiante dans les colles noires
Pour prévenir le risque, le bailleur social a suivi la réglementation à la lettre, en faisant réaliser un repérage amiante avant-travaux. Dans son rapport remis en 2021, le diagnostiqueur mentionne uniquement de la colle noire au niveau des dalles. Rien d’autre.
Les locataires contestent pourtant son rapport. Pourquoi l’opérateur s’est-il uniquement cantonné aux pièces humides ? Et pourquoi n’a-t-il pas effectué de prélèvements sur des matériaux comme les joints de lavabo ou le sol plastique ? Interpellé par courrier le diagnostiqueur a répondu aux locataires: son repérage portait uniquement sur les pièces humides, parce qu’elles sont les seules concernées par les travaux. Des analyses ont été effectuées sur les faïences mais sans révéler d’amiante. Quant aux joints de lavabo, “de type cyclone” ou au sol plastique, ceux-ci n’ont pas fait l’objet d’analyses parce qu’ils ne contiennent pas d’amiante par nature.
Il reste bien la colle des dalles de sol, qui elle est amiantée. Mais le bailleur assure qu’il n’existe aucun risque d’exposition : « les dalles ne doivent pas être soulevées lors des travaux » et « elles seront en outre recouvertes par un sol souple durant les travaux ». Pour apaiser, le bailleur a également fait réaliser des mesures d’empoussièrement: « la concentration des fibres d’amiante dans l’air est nulle pour la totalité des prélèvements réalisés », relève la cour d’appel de Paris.
Puisque le risque d’exposition n’est pas démontré, « l’obligation de laisser l’accès aux locaux loués ne fait l’objet d’aucune contestation sérieuse ». « Le refus de laisser l’accès aux pièces concernées par les travaux est une violation évidente de la règle de droit applicable, faute de démonstration du danger tel que présenté par les appelants et eu égard aux obligations pesant sur les locataires. »
Bon gré, mal gré, les deux locataires devront donc laisser l’accès au bailleur afin d’effectuer les travaux. La cour d’appel de Paris confirme ainsi le jugement de première instance, et condamne le couple à verser une astreinte de 60 euros par jour, s’il n’a toujours pas permis l’accès à l’appartement dans les 30 jours suivant la signification de l’arrêt.
Cour d’appel de Paris, 25 mai 2023, n° 22/08556.
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