Une obligation, une de plus. C’est presque pavlovien, quand on parle d’obligation, on a d’abord envie d’y échapper. Et si ce n’est pas possible, de s’en accommoder à moindres frais. Mais rien n’oblige à considérer le nouvel audit énergétique réglementaire de la sorte…
Oui, l’audit est une nouvelle obligation à la vente des passoires énergétiques. Mettons-nous deux secondes à la place du propriétaire vendeur à qui on demande d’allonger quelques billets supplémentaires (comptez entre 500 et 1.000 euros). Ou à la place de l’agent immobilier qui va devoir convaincre son client qu’avec 30.000 ou 40.000 euros de travaux annoncés par l’audit, il faut revoir les prétentions à la baisse. Parce que le marché a intégré la performance énergétique, que le vendeur, lui, a une tendance naturelle à surestimer son bien. Mettons-nous aussi à la place de l’acheteur qui n’a pas envie de se lancer dans de coûteux travaux, juste poser ses meubles…
L’audit fait partie du projet immobilier
On a lu et entendu beaucoup de choses sur l’audit ces dernières semaines. Cette abondante publicité se résume souvent à une froide explication didactique. L’exercice pédagogique est sans doute louable, mais il y a un danger à réduire l’audit à une obligation et un contenu purement réglementaires.
Dans l’esprit de la loi Climat et résilience, l’audit est partie intégrante du projet immobilier. Sinon, pourquoi le législateur aurait-il expressément demandé de le fournir dès la première visite ? L’audit doit nourrir la réflexion et la négociation. On n’achète plus seulement une maison, on achète aussi l’amélioration potentielle et les travaux qui vont avec. Un projet, autrement dit. Ce n’est plus une lettre de cachet qui condamne le bien, plutôt un exercice de transparence.
Vu comme ça, l’audit permet d’estimer au juste prix un bien dans un contexte de transition énergétique, autant dire de remettre en course des passoires F et G parfois disqualifiées. Il aide aussi les potentiels acquéreurs à se projeter dans un bien. Dans le fond, c’est surtout ça l’audit, des scénarios qui permettent d’imaginer (pas encore de visualiser, mais on y viendra peut-être) un bien plus confortable, plus économe, avec davantage de valeur verte… La passoire F ou G devient un bien potentiellement vertueux, A, B ou C. Oui, c’est possible, et en plus l’audit guide l’acquéreur.
L’audit énergétique ne peut pas finir comme le DPE
Mais cet audit ne reste qu’un outil. On peut le voir comme un handicap ou un atout, c’est la façon dont s’en saisissent les professionnels qui va compter. Tout dépend du discours que tiendront les professionnels de l’immobilier qui auront à traduire l’audit auprès de leurs clients. L’audit est-il une énième contrainte, coûteuse de surcroît, ou est-ce un outil pour apprécier le bien à sa juste valeur, freiner la casse des prix des passoires, rationaliser et faciliter la vente ? Tout dépendra aussi des techniciens qui réalisent l’audit, et du conseil qu’ils sont en mesure d’offrir, de leur capacité à sortir du logiciel et d’un rapport normé, pour accompagner le particulier. En d’autres mots, de leur capacité à humaniser un acte froid et réglementaire.
Justement, on a un précédent avec le DPE. Jusqu’à un temps très récent, on ne lui avait prêté qu’une attention réduite : une obligation à satisfaire, dont on ne voyait pas toujours l’intérêt autant se tourner vers le moins-disant, vers le plus accommodant. On voit le résultat aujourd’hui avec un diagnostic qui semaine après semaine essuie les critiques. Si le diagnostiqueur est malheureusement dans le collimateur, il n’est pourtant pas le seul responsable : les particuliers qui n’y ont vu qu’une dépense obligée recherchant le moins-disant, les agents immobiliers qui l’ont vu comme un caillou dans leur chaussure, ont aussi participé à la détérioration de l’image du DPE. Il existe bien une responsabilité collective.
Par chance, encore tout neuf, l’audit jouit d’une totale virginité. Pour combien de temps ? Car ne nous leurrons pas, sa fiabilité, son utilité et sa pertinence seront immanquablement scrutées de près par Que Choisir et consorts. On peut même parier que nous n’aurons pas à patienter très longtemps. Ne reproduisons pas les mêmes erreurs, l’audit n’est pas obligé de connaître le même sort que le DPE.
1 Rétrolien / Ping