Il ne suffit pas de délivrer un logement décent sans risque pour la santé et la sécurité des occupants, le bailleur doit aussi veiller à son entretien tout le temps de l’occupation. Humidité, électricité dangereuse, plomb, autant de facteurs d’indécence, qui peuvent parfois coûter cher au bailleur. Illustration.
Dans ce logement de Marseille, l’état des lieux établi à la prise de bail en 2010 mentionne des “éléments en mauvais état, ainsi que la présence d’humidité et de fissures à différents endroits du logement”. Côté diagnostics, le DPE évoque un « logement énergivore », et le Crep (Constat de risque d’exposition au plomb) révèle des revêtements en plomb mais non dégradés. En clair, sans risque immédiat pour les occupants. Comme le veut l’usage, le diagnostiqueur rappelle au propriétaire de veiller à l’entretien des revêtements. Ce que le bailleur n’a pas fait semble-t-il.
Huit ans plus tard, le logement s’est détérioré. De guerre lasse, après avoir alerté à plusieurs reprises son bailleur toujours pour des problèmes d’humidité, la locataire sollicite l’intervention d’un nouveau diagnostiqueur. Son verdict est sans appel: fissures, infiltrations, humidité, garde-corps inadaptés, installation électrique défaillante, marches abîmées dans l’escalier, et des concentrations en plomb au-delà des seuils en vigueur, le logement est clairement indécent.
30.000 euros au titre du préjudice de jouissance
Puisqu’il présente un risque à la fois pour la santé et la sécurité des occupants, le logement ne peut donc plus être loué. Estimant que la non-décence remonte à la prise du bail en 2010, l’ex locataire réclame à son bailleur quelque 30.000 euros au titre du préjudice de jouissance. De son côté, huit ans après, le propriétaire estime qu’il y a prescription, que le logement était décent en 2010, et que de surcroît, la locataire connaissait dès l’origine les désordres énumérés dans l’état des lieux.
Pour la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la prescription ne tient pas. Elle rappelle ainsi les obligations du propriétaire.
“Le bailleur est obligé pendant la durée du bail de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Il est également tenu d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement, d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.”
Que le logement ne soit plus habitable est donc avéré, mais à quand faire remonter la non-décence? La cour d’appel donne raison à la locataire. “Le manquement de Monsieur X à son obligation de délivrance d’un logement décent et en bon état de réparation est avéré et a débuté dès le bail conclu avec Madame Y.” Dans son arrêt, elle évoque un bien immobilier qui « dès l’origine », « était au mieux en état d’usage », mais elle retient surtout le manque d’entretien et de réparations.
“S’il est exact que le risque au plomb n’existait pas au moment de la prise de possession des lieux, le diagnostic effectué en 2008 invitait néanmoins le propriétaire à surveiller le revêtement des murs.
Les problèmes d’électricité, d’humidité et de hauteur de garde-corps ont toujours existé. S’agissant de l’humidité, ce désordre est allé crescendo durant les années, alors même que le bailleur savait qu’une telle difficulté existait dès la prise de possession des lieux par sa locataire.”
La cour d’appel d’Aix-en-Provence accorde donc 27.112 euros à la locataire “correspondant à une indemnité équivalente à environ 30% du montant du loyer”.
CA Aix-en-Provence, 5 mai 2022.
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