C’est un autre dysfonctionnement connu du DPE: le diagnostic ne reflète pas tout à fait les qualités intrinsèques du bâti ancien. Alors que le DPE vient d’être corrigé pour les petites surfaces, une réflexion demeure pour adapter le diagnostic au bâti ancien. Un rapport du ministère de la Culture sur les patrimoines et l’architecture donne quelques pistes d’évolution.
Plus c’est vieux, plus l’étiquette a des chances d’être dégradée. Statistiques à l’appui, on trouve aujourd’hui davantage de passoires énergétiques dans le parc ancien qu’ailleurs : 55% d’étiquettes E, F et G dans le bâti d’avant 1948, 21% seulement après 1948.
Pour les acteurs du patrimoine, c’est injuste, car l’étiquette énergétique ne reflète pas la réalité. Parce que le DPE ne prend pas en considération la diversité des matériaux utilisés dans l’ancien et parce que les diagnostiqueurs ne seraient pas suffisamment formés.
La 3CL, vraiment inadaptée au bâti ancien ?
« De nombreuses études ont montré que la consommation énergétique réelle d’un bâtiment ancien est souvent plus faible que celle prévue par les logiciels de simulation thermique », rappellent les auteurs du rapport. Dès le début des années 2010, une étude menée par le Creba, souvent invoquée par les associations du patrimoine, mesurait la réelle performance énergétique d’un panel de bâtiments. Résultats, des immeubles parfois classés comme passoires, auraient mérité plutôt un classement en D ou en C. C’est d’ailleurs ce qui avait amené les pouvoirs publics à privilégier un DPE sur factures dans le bâti d’avant 1948, jusqu’à la réforme du DPE en 2021.
Est-ce uniquement la faute de la méthode ? Les auteurs de l’étude mettent en garde contre les « idées fausses ». « Contrairement à ce qui est parfois entendu, il est possible de valoriser un enduit isolant de type chaux-chanvre, il est possible de modéliser des murs anciens (et les résistances thermiques correspondantes sont correctes) et des doubles fenêtres, l’inertie forte (caractéristique des bâtiments en maçonnerie est valorisée par une période de chauffage moindre, etc. » En clair, la fameuse méthode 3CL-DPE qu’on accable de tous les maux ne serait pas aussi défaillante qu’on veut bien le croire, pour qui sait s’en servir correctement. Sans trop de surprise, le rapport pointe du doigt le manque de formation des diagnostiqueurs immobiliers sur le bâti ancien. « Le manque de formation des diagnostiqueurs du bâti ancien fait plutôt consensus. »
Formation insuffisante des diagnostiqueurs ? Ou imperfections de la méthode 3CL? Le résultat est le même. Cette faille dans le DPE conduit à mettre en œuvre des rénovations avec des matériaux pas forcément adaptés au bâti ancien, et fait aussi peser une menace sur le parc locatif des cœurs de villes souvent constitué de bâti ancien classé comme passoire.
Un DPE complété éventuellement par une simulation dynamique
Sans surprise, le rapport préconise donc d’adapter le DPE au bâti patrimonial, reprenant plusieurs des propositions déjà formulées par le passé notamment par le G7 Patrimoine. Plutôt que d’élaborer une nouvelle méthode ex-nihilo pour le bâti ancien ou de revenir à la méthode sur factures comme il a parfois été entendu, le rapport recommande d’aménager le DPE en ajustant certains critères comme le confort d’été ou l’inertie. « L’adaptation de la méthode existante DPE-3CL au bâti ancien demandera un effort de développement faible et pourrait être gérée par des mises à jour régulières, comme c’est le cas actuellement pour la RE 2020 dans le neuf. »
La proposition ressemble à un compromis : répondre au souci du DPE dans l’ancien, dans des délais rapides, mais sans déstabiliser davantage le diagnostic. Rien n’empêche toutefois de compléter le DPE du bâtiment patrimonial avec une simulation thermique dynamique « méthode qui modélise plus finement la réalité ». De telles méthodes existent déjà, mais elles représentent souvent un coût sans comparaison avec le DPE. Les auteurs du rapport jugent cependant cette piste « intéressante ». Cette simulation thermique dynamique « pourrait permettre de valoriser auprès de potentiels acheteurs ou locataires les spécificités thermiques des logements patrimoniaux. »
Mention « Bâti patrimonial »
Et puisque les recommandations du DPE peuvent induire en erreur et amener à une rénovation avec des matériaux inadaptés, les auteurs du rapport proposent tout simplement de les supprimer. D’autant que la prescription n’est pas le métier des diagnostiqueurs, prend soin de rappeler le rapport. « Malheureusement, les propriétaires ont tendance à prendre les recommandations de travaux du DPE pour des préconisations, ce qu’elles ne sont pas. Cela engendre un risque pour le bâti patrimonial et les espaces protégés de se voir appliquer des travaux dont la cohérence et la pertinence n’a pas été vérifiée. »
Parce que le bâti patrimonial revêt quelques spécificités, les auteurs préconisent l’émergence d’une filière dédiée avec « une offre d’audit énergétique adaptée au bâti patrimonial », et la création d’une « mention « bâti patrimonial » pour les diagnostiqueurs et les auditeurs énergétiques ». « Afin de pouvoir réaliser un DPE ou un audit énergétique prenant en compte les spécificités des espaces protégés et des bâtiments patrimoniaux, une formation complémentaire, ainsi qu’une mention associée semble nécessaire. »
Pour les auteurs du rapport, ce bâti mérite bel et bien un traitement différencié, y compris dans les aides. Parce que la rénovation coûte parfois plus cher dans l’ancien qui réclame des solutions adaptées, il est proposé « d’assortir aux interdictions de location des aides financière pour des travaux de réhabilitation énergétique adaptés et contrôlés par un tiers ». Et lorsque la rénovation énergétique se révèle impossible, lorsqu’on ne peut toucher ni à l’intérieur, ni à l’extérieur, pourquoi ne pas même des dérogations pour les interdictions de louer.
Rapport Patrimoines et architecture dans la transition écologique, ministère de la Culture.
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