DPE : l’étiquette était incohérente, le diagnostiqueur n’a rien dit

La maison, une vieille bâtisse en pierres, n’est pas isolée, mais elle affiche une flatteuse étiquette B. Aucune anomalie, le DPE a été réalisé selon la méthode sur factures. Ce qui n’empêche pas le diagnostiqueur d’être condamné : aucune mise en garde ou recommandation dans son rapport, les acquéreurs ont pu penser qu’ils n’auraient aucuns travaux à effectuer.

Même si elle a disparu depuis 2021 dans le logement, la méthode sur facture reste une bombe à retardement. En 2016, lors de l’achat de cette maison en Occitanie, le DPE réalisé deux ans plus tôt affiche une généreuse étiquette B pour la consommation énergétique, du A pour les émissions de gaz à effet de serre. Autant dire une maison archi vertueuse comme il en existe fort peu.

Une classe B en 2014, E en 2020

Pourtant, à y regarder de plus près, la maison est loin d’être aussi économe que le DPE ne veut bien le dire: une partie de l’habitation compte encore du simple vitrage, la dalle béton et les murs ne sont pas isolés, des menuiseries sont dépourvues de joints, etc. D’ailleurs, quelques années plus tard quand les acquéreurs revendront le bien, ils parviendront à une étiquette E, après avoir cependant réalisé des travaux d’isolation.

Comment le premier diagnostiqueur est-il parvenu à une étiquette B ? L’explication est simple. Nous sommes dans une bâtisse vieille de plusieurs siècles, l’opérateur a donc appliqué la méthode des consommations réelles : la consommation énergétique est calculée à partir des factures du propriétaire. C’est la règle. Mais Forcément, comme la propriétaire occupait très peu son bien et ne chauffait qu’une partie, le calcul est complètement biaisé: « la maison n’était occupée qu’une partie de l’année, la venderesse résidant plusieurs mois par an au Mexique, et que seule la zone côté nord était chauffée et habitée ce qui réduisait d’autant les consommations d’énergie », relève la cour d’appel.

Du coup, le DPE fait « ressortir une consommation très basse qui ne reflète pas la consommation normale d’un bâtiment de ce type ». On ne peut pas en vouloir au diagnostiqueur, ce n’est pas lui qui fait les règles, il se contente d’appliquer la méthode. Les acquéreurs estiment pourtant avoir été induits en erreur, parce que le rapport de diagnostic ne dit mot de cette incohérence.

Une « aberration » selon l’expert

Pour l’expert, une classe B pour un bâtiment médiéval très imparfaitement isolé, n’est rien d’autre qu’une « aberration » car « un tel classement correspond à celui d’un appartement moderne parfaitement isolé ». Autrement dit, « le diagnostiqueur aurait dû attirer l’attention des acquéreurs sur ces conditions particulières d’occupation et prendre en compte la durée effective de période de chauffe », estime la cour d’appel.

« (La société) ne pouvait ignorer l’incohérence existant entre les consommations réelles telles qu’elles ressortent des factures communiquées par la venderesse préalablement à la vente et les caractéristiques du bâtiment et s’est abstenue d’en faire mention dans la partie « recommandations pour l’amélioration de la performance énergétique » du DPE alors qu’il s’agit une partie intégrante de sa mission. L’absence de recommandations a incontestablement induit en erreur les acquéreurs sur l’appréciation de la qualité énergétique du bien. »

Pour autant, le préjudice des acquéreurs ne peut être équivalent au montant des travaux réalisés : le diagnostiquer a manqué à son devoir de conseil, il n’est tout de même pas responsable de la mauvaise qualité thermique du bien. D’autant que « la nécessité de réaliser des travaux pour améliorer les performances énergétiques (pouvait) être constatée dès la première visite (parties non chauffées, défaut d’isolation, simple vitrage, chauffage au bois) ».

Les plaignants réclamaient plus de 50.000 euros au titre des préjudices matériel, moral et de jouissance, mais la cour d’appel estime que préjudice se borne à une perte de chance. Le diagnostiqueur est donc condamné à verser 15.000 euros en raison de « l’écart important entre le classement dont relevait le bâtiment et les performances énergétiques annoncées (B) qu’un professionnel normalement diligent aurait dû relever ».

Cour d’appel de Toulouse, 14 mai 2024, RG n° 22/01655.

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