Surtout ne rien cacher lors de la vente. Les vendeurs s’étaient bien gardés d’informer les acquéreurs d’inondations répétées, et aussi de quelques entorses au droit de l’urbanisme. Ils sont logiquement condamnés, et dans la foulée, le notaire et l’agent immobilier qui ont manqué de vigilance.
Près de 650.000 euros de prix de vente, on imagine une très belle villa. Avec 220 m² de surface, une piscine, à proximité d’un cours d’eau, tout ça sous le soleil de l’Hérault. Onze ans plus tard, la valeur du bien a pourtant fondu, quasiment divisée par deux.
À la lecture de l’acte de vente, les acquéreurs ne pouvaient se douter que leur charmante maison se trouvait en zone inondable. Ils vont vite déchanter. Deux ans après avoir pris possession des lieux, les nouveaux propriétaires seront victimes de deux inondations coup sur coup en septembre 2014. Bizarre.
Trois inondations, mais rien dans l’acte de vente
Car dans la déclaration de sinistres indemnisés tout comme dans l’état des risques, tous deux annexés à l’acte authentique, tous deux vierges, rien ne laissait présager pareilles calamités. Avec cinq arrêtés de catastrophe naturelle dans la commune entre 1982 et 2005, le risque inondation existe cependant.
Les vendeurs auront du mal à plaider l’ignorance puisqu’ils ont déclaré trois sinistres d’inondation à leur assurance et aux autorités communales. Et qu’ils ont même signé « une pétition publique pour défendre les intérêts et obtenir une indemnisation en faveur des sinistrés ». Pour la cour d’appel de Montpellier « la dissimulation volontaire de ces sinistres et les déclarations mensongères faites dans l’acte de vente » suffisent à caractériser le dol.
La tromperie ne s’arrête pas là. Les acquéreurs reprochent aussi aux vendeurs de leur avoir caché plusieurs entorses au droit de l’urbanisme. La maison vendue affiche 220 m² de surface habitable, mais le permis de construire délivré en 1999 autorisait (seulement) 133 m². « Soit près de 85 m² de surface habitable construite illégalement ». Idem pour l’extension édifiée plus tard en 2007, alors que la demande de permis avait été jugée irrecevable…
Dans une zone avec un risque d’inondation, cela pose un gros souci. « Le préjudice entraîné par le non respect du droit de l’urbanisme est d’autant plus important que l’immeuble vendu est particulièrement vulnérable et exposé à un risque de destruction du fait de sa vulnérabilité aux inondations (…). L’impossibilité de reconstruire en cas de destruction prend donc une acuité particulière en l’espèce », relève la cour d’appel.
Manquements en cascade
Comment le notaire ou l’agence immobilière ont pu passer à côté de telles anomalies ? Dans l’acte de vente les renseignements d’urbanisme sont incomplets. À la rubrique « permis de construire », aucun item n’est détaillé. Idem pour la la déclaration de sinistres que les vendeurs n’ont pas complétée. Pour la cour d’appel, le notaire s’est monté négligent. Et a manqué à son devoir de conseil notamment en ne prenant pas attache avec la mairie.
Idem pour l’agence immobilière qui se présentait comme « spécialiste du secteur depuis plus de trente ans avec une parfaite connaissance du marché immobilier ». « En annexant à l’acte sous seing privé rédigé pour ses clients un document déclaratif « état de risques naturels et technologiques » vierge et non complété, (l’agence immobilière) a commis une première faute de négligence », observe la cour d’appel.
Deuxième manquement
L’agent immobilier opérant sur ce secteur « depuis trente ans » ne pouvait ignorer l’existence d’inondations récurrentes. « La présence du cours d’eau à proximité immédiate de la propriété vendue, parfaitement visible sur le terrain et sur les cartes topographiques d’usage courant, n’a pas pu échapper à un professionnel de l’immobilier soumis à une obligation minimale de connaissance des caractéristiques et des risques potentiels affectant le bien qu’il a pour mission de commercialiser », poursuit la Cour.
Cette récente affaire montre une nouvelle fois combien les informations délivrées lors d’une vente sont capitales. En particulier l’état des risques et pollutions souvent négligé. Plutôt qu’une annulation de la vente à laquelle ils pouvaient prétendre, les acquéreurs optent cependant pour une réparation de leur préjudice. La cour d’appel de Montpellier condamne les vendeurs à verser 315.000 euros en réparation de la perte de chance. Et 25.000 euros en réparation du préjudice moral. In solidum avec les vendeurs, le notaire et l’agence immobilière sont également condamnés à réparer le préjudice à hauteur de 175.000 euros.
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