On y vit à longueur d’année, parfois depuis des lustres, mais on connaît mal son logement. Même si la notion de performance énergétique s’est beaucoup démocratisée au cours des dernières années -et un peu plus encore ces derniers mois-, les enquêtes à répétition montrent combien les Français mésestiment la classe énergétique de leur bien. Quand ils ne l’ignorent pas carrément.
Pour se soigner il faut d’abord savoir qu’on est malade. Il faut un diagnostic. Quinze ans que le DPE existe, des millions et des millions de rapports ont déjà été produits, mais tous les logements sont encore loin d’avoir été diagnostiqués.
L’Observatoire national de la précarité énergétique (Onpe) a suivi trente ménages durant plus d’un an. Tous sont en situation de précarité énergétique, mais paradoxalement, la plupart de ces foyers ignore leur étiquette DPE. “Dans la majorité des logements visités (23/30), il n’a pas été possible de connaître la classification du logement issue du Diagnostic de Performance Énergétique”, déplorent les auteurs de l’étude.
Logements privés de DPE
Le DPE a pu être égaré, ou il n’a pas été transmis aux locataires ou tout simplement, il n’a jamais réalisé. “Un tiers des ménages ont emménagé dans leur logement avant 2007″, remarque l’Onpe. On ne déménage pas tous les ans, 30% des Français n’ont pas changé d’adresse depuis au moins 20 ans: sachant que le DPE est obligatoire depuis 2007, beaucoup de logements attendent encore la visite d’un diagnostiqueur.
L’étude de l’Onpe est loin d’être la première du genre à mettre en lumière cette méconnaissance. La rénovation énergétique est désormais un sujet à la mode, les sondages ont tendance à se multiplier et à souvent répéter la même chose. En gros, les Français sont globalement favorables à la rénovation, mais ils restent très mal informés. En octobre, le baromètre Monexpert-renovation-energie.fr indiquait par exemple que plus de la moitié des personnes interrogées (53%) était incapable de citer la classe énergétique de leur bien.
Même à l’achat, selon Qualitel cette fois, un tiers (34%) des personnes reconnaissait ne pas avoir prêté attention au DPE qui -au moins jusqu’à un temps récent- n’apparaissait pas comme un critère déterminant dans le choix d’un bien. En somme, on connaît un peu mieux le DPE, plus de huit Français sur dix disent avoir entendu parler des diagnostics, mais si on creuse un peu, près d’un sur deux, seulement, déclare savoir “précisément de quoi il s’agit”.
Ma maison en F? Vous êtes sûr?
Cette performance énergétique reste souvent surestimée aussi. La petite enquête de Monexpert-renovation-energie.fr en octobre est plutôt révélatrice à ce sujet. 13% des Français évoquaient une étiquette A ou B pour leur bien quand on sait que ces logements vertueux ne représentent que quelques pour cents du parc français. À l’inverse, les étiquettes F et G étaient largement sous-estimées puisque seuls 3% des répondants estimaient habiter une passoire. Résultat, à peine un Français sur deux a conscience de devoir rénover son logement dans l’avenir. On est loin du compte.
Ghislain, diagnostiqueur dans le Nord, n’est absolument pas étonné. “Les gens tombent souvent des nues quand on leur annonce une étiquette F ou G, car ils imaginaient leur logement plutôt classé en D. Comme pour la valeur vénale, ils ont tendance à surestimer la valeur verte de leur bien.”
Malgré les efforts de lisibilité dans le rapport du DPE, malgré l’abondante publicité dont le diagnostic jouit depuis un an et demi, la performance énergétique reste quelque chose de souvent obscur pour le commun des mortels. Ghislain se heurte parfois à une forme d’incompréhension: “les gens ont rarement une approche globale de leur bien. Parce qu’ils ont changé leur chaudière, ou parce qu’ils ont installé des menuiseries en double vitrage, ils s’imaginent que leur maison a automatiquement atteint une bonne classe énergétique. Ils n’ont pas encore conscience que des travaux mono-gestes ne changent pas grand-chose et que pour être efficace, la rénovation doit être pensée de façon globale”.
Méconnaissance ne veut pas dire indifférence. Au contraire même. Notre diagnostiqueur nordiste relève un intérêt grandissant pour ce DPE qui l’amène à faire davantage de pédagogie depuis quelque temps. “Les propriétaires veulent souvent comprendre leur notation, pourquoi l’estimation des consommations ne correspond pas par exemple à leurs factures.” Ghislain y voit une prise de conscience petit à petit. “De plus en plus de personnes ont désormais intégré que le DPE agissait sur la valeur verte de leur logement.”
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