Quand la mérule sème la zizanie chez le voisin

Merule-voisin

Le champignon n’a que faire des limites de propriété. Après avoir gangrené un immeuble du Nord, la mérule s’est gentiment installée dans le bâtiment mitoyen. La cour d’appel a déjà tranché en 2019, en condamnant le propriétaire chez lequel l’infestation est née, mais celui-ci refuse obstinément de traiter le champignon. Pour quoi faire, puisque son bâtiment est voué à la démolition…

L’affaire tourne au mauvais feuilleton. Les propriétaires de l’immeuble d’où est venue l’infestation avaient d’abord obtenu gain de cause en première instance en 2018. Renversement de situation l’année suivante en appel, le jugement est totalement infirmé, le couple propriétaire responsable de l’infestation est condamné à verser à son voisin près de 80.000 euros, dont 38.000 euros au titre des réparations, et 37.000 euros au titre des préjudices de jouissance. Affaire classée? Pas vraiment. Car la mérule est toujours là, et les deux parties n’en finissent plus de s’entredéchirer.

La cour d’appel de Douai retient ainsi “l’absence de tous travaux de nature à éradiquer la propagation du mérule (…) depuis 2017″. Une première ordonnance en mars 2021 laissait trois mois aux propriétaires condamnés pour réaliser un traitement contre la mérule du mur mitoyen. Passé ce délai, la cour d’appel ordonnait une astreinte de 100 euros par jour de retard. Rien n’y fait. Rebelote, le juge des référés est de nouveau saisi. Deuxième ordonnance, donc, en avril 2022: le propriétaire a deux mois pour agir, et 500 euros d’astreinte par jour au-delà. Toujours rien. Le temps passe, la mérule reste présente.

Multi-récidivistes

Retour devant la cour d’appel, début novembre. Face aux juges, les propriétaires mis en cause assurent avoir exécuté les condamnations prononcées par la cour d’appel en 2019 : tous les murs de l’immeuble voisin, y compris le mur mitoyen ont été traités. Oui, mais pas le bâtiment d’où est pourtant venue l’infestation. Autant dire que l’infestation mérule n’est pas prête de partir.

Pourquoi n’ont-ils pas traité leur propre immeuble? Les propriétaires condamnés se réfugient derrière “une impossibilité matérielle et technique d’exécuter les travaux de traitement sollicités”. Leur immeuble est en effet dans un état délabré. Un arrêté de péril imminent existe depuis 2015, et un expert a même préconisé “la démolition immédiate de l’immeuble en préservant les façades sur rue après avoir constaté l’état de délabrement de l’immeuble et la présence de mérule”. Alors, pourquoi s’obstiner à vouloir traiter un immeuble voué à disparaître?

L’argument ne passe pas. La cour d’appel estime que la démolition de l’immeuble ne constitue pas un préalable nécessaire au traitement du mur mitoyen. Autrement dit, qu’importe que le bâtiment disparaisse demain, les propriétaires déjà condamnés à plusieurs reprises dans cette affaire doivent au plus vite mettre un terme aux désordres subis par leurs voisins.

La cour d’appel de Douai laisse (encore) deux mois pour réaliser les travaux de traitement contre la mérule sur la totalité du mur mitoyen, avec une astreinte de 500 euros par jour, passé ce délai. La cour d’appel alourdit également leur condamnation en ajoutant les pertes de loyers accumulées depuis la première condamnation en 2019.

Cour d’appel de Douai, 3 novembre 2022, RG n° 22-02335.

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