On en a mis partout dans la construction, et il en reste partout. Combien d’amiante demeure aujourd’hui dans les bâtiments en France? On ne sait pas trop au juste, il faut se contenter de vagues estimations. Avec son nouveau SI-Amiante, le ministère de la Santé se dote (enfin) d’une base de données centralisée. Mais on est encore loin de l’inventaire réclamé à cor et à cri depuis 25 ans.
1997. Déjà, le professeur Claude Got, chargé d’une mission amiante par le gouvernement, plaidait en faveur d’une base de données amiante informatisée. 1997, autant dire l’antiquité du numérique, mais à l’époque c’était déjà possible. La proposition restera lettre morte, mais elle ne sera jamais enterrée: elle reviendra régulièrement, portée par les associations de victimes de l’amiante ou par les sénateurs dans leurs rapports de 2005 et 2014.
Un vœu resté pieux
L’idée est pourtant simple. Souvent réalisés dans l’unique dessein de satisfaire à une obligation réglementaire, les diagnostics amiante, les DA-PP (Dossier amiante-parties privatives), les DTA (Dossiers techniques amiante), constats vente, les repérages avant-démolition ou avant-travaux, pourraient nourrir une gigantesque base de données. Un peu comme ce qui se fait depuis bientôt dix ans avec l’Observatoire du DPE de l’Ademe qui offre ainsi une photographie de la performance énergétique en France.
D’abord, cette base de données amiante pourrait renseigner le public comme l’avait imaginé le professeur Got. Un locataire n’aurait pas forcément à passer par son bailleur pour consulter le DTA, un parent d’élève n’aurait plus à batailler (c’est souvent le cas) avec son maire ou le directeur de l’établissement pour savoir si l’école du petit dernier contient de l’amiante… Autre intérêt, un tel inventaire pourrait servir à contrôler la qualité des diagnostics, et bien sûr renseigner aussi à l’échelle macro sur ce qu’il reste à désamianter en France.
On en est loin. Depuis 25 ans, les différents diagnostics amiante ne sont pas exploités comme il faudrait. Et même à la simple question de savoir combien d’amiante reste en place dans les bâtiments en 2022, personne ne peut répondre. Vingt millions de tonnes? C’est l’estimation couramment acceptée, et souvent reprise. Mais comme depuis des années le chiffre n’a pas bougé, on peut espérer qu’avec les 300.000 à 600.000 tonnes de déchets amiante chaque année, il y en ait un peu moins. On peut juste l’espérer, car dans le fond, on ne sait pas…
SI-Amiante: décollage difficile
2022. On a un peu avancé. SI-Amiante, premier système d’information de l’amiante, placé sur orbite par la loi Santé 2016, est enfin opérationnel après plusieurs années de développement. “Il s’agit de rendre compte des actions de repérage, de connaître l’état du parc bâti, d’être alerté sur des situations à risques, et de conforter les procédures de contrôle et de suivi”, expliquait le ministère de la Santé dans sa communication en mars.
Les diagnostiqueurs sont désormais censés transmettre leur rapport annuel d’activité ainsi qu’une copie de leur diagnostic lorsqu’ils ont détecté un flocage, calorifugeage ou faux-plafond amiante dégradé. Deux obligations qui existent depuis des années, mais qui se faisaient sans aucune centralisation; autant dire que les données transmises tantôt au préfet tantôt au ministère de la Santé finissaient le plus souvent au fond d’un tiroir.
Le démarrage de SI-Amiante reste toutefois difficile. Le ministère de la Santé, a d’abord laissé aux diagnostiqueurs jusqu’à la mi-avril pour transmettre leurs rapports d’activités; puis, devant le manque d’engouement, jusque la mi-mai, puis jusque la mi-juin… Résultats, malgré deux rallonges, la moisson 2022 reste maigre: 19% des rapports ont été déposés, et 54 diagnostics signalant des matériaux liste A en piteux état. Un peu court pour se faire une photographie de l’amiante en France. Le ministère ne peut qu’en convenir: “Les données transmises sont insuffisantes pour permettre à l’administration centrale de dresser un état des lieux des résultats de repérage réalisés sur l’ensemble du territoire”.
On reste loin du compte. D’autant que si SI-Amiante fournit un outil aux préfectures pour suivre les flocages, calorifugeages et faux-plafonds dégradés, il est encore loin de répondre au souhait originel, avec une base qui compilerait tous les rapports amiante, et qui serait aussi rendue accessible à quiconque; un outil qui permettrait de se faire une idée un peu plus précise de l’amiante restant en France.
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