La fraude, gangrène de la rénovation énergétique

Travaux d'isolation

La rénovation énergétique est aussi une poule aux œufs d’or pour les fraudeurs de tout poil. Alors que Tracfin évoque 400 millions d’aides détournés pour MaPrimeRénov’, alors que des milliers de dossiers de CEE restent en souffrance, soupçonnés de fraudes, la DGCCRF évoque des anomalies en cascade dans les entreprises contrôlées.

La rénovation est devenue un vivier de contentieux. Sur SignalCono, la plateforme d’alerte déployée par l’État, la rénovation énergétique pèse sacrément lourd. Plus de 17.000 signalements depuis le début d’année 2024 (plus de 15%) sont directement liés à des travaux de rénovation. C’est beaucoup moins que les achats internet (43% des signalements), mais davantage que les achats en boutique (10%).

Les enquêtes récurrentes de la DGCCRF fournissent un autre indicateur. Dans son dernier bilan d’activité, le gendarme des fraudes évoque près de 800 établissements de rénovation énergétique contrôlés en 2023. Résultat, « la moitié présentait des anomalies plus ou moins graves : du défaut d’information du consommateur aux pratiques commerciales trompeuses ».

La plupart du temps, l’anomalie relevée ne mérite pas de fouetter un chat: une mention manquante dans une facture, des tarifs non affichés, etc. Le contrôle se solde par un simple avertissement histoire de rappeler à l’entreprise la réglementation. Mais la DGGCRF observe aussi « 150 injonctions de mise en conformité et autant de sanctions ». Et même un cas d’escroquerie et de pratiques commerciales trompeuses et agressives qui aboutira à la condamnation de 16 salariés à des peines de prison, à commencer par le dirigeant qui a écopé de 5 ans de prison, donc 4 fermes !

MaPrimeRénov’ : des soupçons sur 400 millions euros d’aides

Largement aidée par les deniers publics, la rénovation énergétique attise les convoitises. Début mai, nos confrères des Echos révélaient que MaPrimeRénov’ se trouvait dans le collimateur de Tracfin, la cellule chargée de lutter contre le blanchiment d’argent et la fraude. Rien que pour l’année 2023, des signalements de détournements pour un montant de 400 millions d’euros d’aides MaPrimeRénov’ ont été adressés à Tracfin.

Cette somme colossale vient s’ajouter aux fraudes également soupçonnées sur l’autre dispositif de financement de la rénovation énergétique, les CEE (certificats d’économies d’énergies). Le nombre de contrôles sur site a déjà augmenté, il augmentera encore dans l’avenir, et régulièrement, des opérateurs sont épinglés et des certificats annulés. En 2022, selon les chiffres officiels, sur 6.300 GWh de CEE contrôlés, 100 GWh de CEE non conformes ont été annulés pour une valeur financière d’environ 700.000 euros. Une paille. Car on est peut-être à des années lumières de la fraude réelle : des milliers de dossiers restent aujourd’hui bloqués pour des soupçons de fraude et pour un montant de plusieurs centaines de millions d’euros.

Face au fléau, la rénovation énergétique est devenue une priorité, le gouvernement avait lancé un énième plan anti-fraudes à l’automne 2023, avec notamment le doublement des effectifs pour lutter contre les fraudes et les arnaques aux aides. En décembre, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave a également installé « une cellule de veille interministérielle anti-fraude aux aides publiques ». Objectif, contrôler encore et toujours plus pour démasquer les petits malins.

Et ce n’est sans doute pas fini. Le gouvernement veut se doter de moyens supplémentaires. Un nouveau texte de loi est ainsi attendu pour l’automne, avec d’autres mesures pour lutter contre les fraudes aux aides publiques, en particulier quand elles touchent à la rénovation énergétique.

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