Le locataire a vécu durant douze ans dans un studio de moins de 9 m². Trop petit pour être décent? Oui, si l’on considère un règlement sanitaire de 1979, non si l’on s’en tient au décret décence de 2002 qui prend aussi en compte le volume habitable. A qui se fier? La cour d’appel de Paris vient de trancher.
Le bailleur est tenu à une obligation de délivrance d’un logement décent. Autrement dit, un logement sans risque pour la santé des occupants, sans risque pour leur sécurité, avec une surface minimum, un critère de performance énergétique… Etc. Etc. Depuis de 20 ans, les exigences de décence ne cessent de s’étoffer.
Volume et surface
Dans cette affaire, c’est la surface du bien qui pose problème. S’appuyant sur un vieux règlement sanitaire départemental toujours en vigueur, le locataire invoque une surface trop réduite pour que le logement soit considéré comme décent.
On est en effet loin du compte: le certificat de mesurage mentionne une surface totale de 10,80 m², mais avec une partie de 3,40m² correspondant à une pièce d’eau. Résultats, le locataire poursuit son ex-proprio “aux fins de constater l’indécence du logement et le manquement du bailleur à son obligation de délivrance”. La locataire réclame quelque 15.000 euros au titre des loyers et charges versés durant trois ans, ainsi que 5.000 euros de dommages et intérêts pour trouble de jouissance.
Le propriétaire se défend d’avoir loué un logement non décent. Selon le décret décence de 2002, la pièce principale du logement doit avoir soit une surface habitable au moins égale à 9m², soit un volume habitable égal à 20 mètres cubes. La cour d’appel de Paris, souligne qu’il s’agit de “deux conditions alternatives”. Le bailleur a fait mesurer son logement par un géomètre, on arrive à 23,9 m3. Alors décent ou non décent?
S’appuyant sur la jurisprudence, la cour d’appel de Paris choisit de retenir le règlement sanitaire avec ses dispositions plus rigoureuses, et “l’absence de condition alternative tenant au volume du logement”. “L’unique pièce principale étant d’une surface inférieure à 9m², le logement objet du bail n’est pas conforme aux normes de décence du règlement sanitaire départemental (…) non incompatibles avec celles du décret du 30 janvier 2002 qui ne l’a pas abrogé et plus rigoureuses que celles-ci”.
Le mandataire a failli à son devoir de conseil
Pour autant la cour d’appel de Paris rejette la demande de paiement des loyers. “Le caractère inhabitable de l’appartement n’est pas démontré, (le locataire) ayant vécu dans les lieux pendant plus de 10 ans et ne démontrant pas avoir été dans l’impossibilité de les utiliser conformément à leur destination.” La cour accède en revanche à la demande de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance (1.300 euros), mais semble s’étonner que le locataire ait attendu aussi longtemps pour réclamer et lancer une procédure. L’arrêt souligne “qu’il a vécu pendant de années dans le logement litigieux sans avoir fait état de difficulté particulière auprès du bailleur ou de son mandataire, étant observé que son action et ses demandes n’ont été formulées qu’après son départ des lieux.”
Enfin, le professionnel immobilier, mandataire, écope également d’une condamnation pour avoir failli à son devoir de conseil envers le bailleur. “Compte tenu de l’exiguïté évidente de l’appartement et des dispositions légales tenant aux surfaces habitables (…), (le mandataire) aurait dû, dans le cadre de ses obligations contractuelles, attirer l’attention du bailleur sur cette question.” La cour d’appel le condamne à verser 400 euros au propriétaire.
Cour d’appel de Paris, 9 juin 2022, n° 18-09880.
Soyez le premier à commenter