Amiante : pas de réserves sur la moquette et le parquet

Double faute. D’abord, le vendeur n’a pas transmis la fiche récapitulative du DTA, puis le diagnostiqueur sollicité pour un repérage avant-vente n’a émis aucune réserve sur des sols dissimulés par des moquettes ou parquets. Dessous, se cachait pourtant de l’amiante. Vendeur et diagnostiqueur devront donc prendre à leur charge le surcoût de désamiantage.

On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir vu l’amiante sous la moquette ou le parquet. Nous sommes dans le cadre d’un repérage avant-vente qui proscrit les sondages destructifs. En revanche, la justice peut lui reprocher de ne pas avoir émis des réserves sur ses sols dissimulés.

Car si l’opérateur ne pouvait deviner ce qui se cachait sous le parquet et la moquette de certaines pièces, il aurait dû avoir la puce à l’oreille. Dans d’autres pièces où les dalles de sol étaient bien apparentes, le diagnostiqueur a effectué des prélèvements. Verdict ? L’échantillon est revenu positif : l’amiante se trouve dans la colle en sous-face des dalles. Même si la colle n’est pas à rechercher dans le cadre d’un repérage avant-vente, le rapport la mentionne dans trois zones de l’immeuble.

Gare aux réserves !

Moins d’un an plus tard, la société acquéreuse fait réaliser un nouveau repérage. Plus exhaustif cette fois, puisque que nous sommes dans le cadre de travaux. Et cette fois, le rapport évoque la présence d’amiante dans l’ensemble des sols du rez-de-chaussée.

Le diagnostiqueur intervenu lors de la vente estime pourtant n’avoir commis aucune faute : non seulement, les colles n’entrent pas dans le champ de mission avant-vente, mais en plus, les dalles se trouvaient dissimulées par des moquettes et du parquet.

Pour la justice, le diagnostiqueur a toutefois manqué aux règles de l’art. « L’opérateur de repérage devait préalablement à l’opération, notamment, se faire remettre par le propriétaire les rapports déjà réalisés ainsi que les documents et informations à sa disposition décrivant les ouvrages (plans croquis, permis de construire), les produits, matériaux et protections physiques mises en place, examiner de façon exhaustive toutes les différentes parties de l’immeuble bâti et déterminer des zones présentant des similitudes d’ouvrage et des zones homogènes, et en cas d’impossibilité d’accéder à certaines parties de l’immeuble, émettre des réserves et préconiser les investigations complémentaires à réaliser ». En suivant scrupuleusement les règles de l’art, il aurait ainsi pu émettre des réserves sur les sols dissimulés.

Un constat vente ne remplace pas un DTA

Le diagnostiqueur paye pour son absence de réserves. Même s’il ne peut être reproché au diagnostiqueur de ne pas avoir procédé à des sondages destructifs dans les parties où les dalles de sol étaient masquées, l’opérateur a commis une faute, puisqu’il n’a pas « mis en œuvre tous les moyens pour établir un diagnostic sérieux et complet en s’abstenant d’interroger la venderesse sur les travaux de rénovation des sols qui avaient pu être entrepris et en n’émettant aucune réserve sur les sols recouverts par la moquette et le parquet, alors que de l’amiante avait été découverte dans la colle et les dalles de sol situées à proximité immédiate ».

La Cour de cassation confirme l’arrêt rendu en appel. Le diagnostiqueur n’est pas le seul à avoir commis une faute. Le vendeur est aussi condamné pour ne pas avoir transmis la fiche récapitulative du DTA (Dossier technique amiante), vraisemblablement parce que ce DTA n’avait pas été réalisé. Celui-ci se défend, invoquant avoir cependant transmis une information plus complète « qu’une simple fiche récapitulative », avec le constat vente. L’argument est rejeté, un constat vente ne peut remplacer un DTA : « ce document était clairement distinct du contenu du diagnostic technique. » Faute d’avoir satisfait à l’obligation légale qui lui ordonne de transmettre aussi à l’acte notarié la fiche récapitulative, le vendeur ne peut donc s’exonérer de la garantie des vices cachés.

Les pourvois du diagnostiqueur et du vendeur sont donc rejetés. Condamnés in solidum, ils devront verser 118.000 euros à l’acquéreur, le montant du surcoût de désamiantage des dalles de sol dissimulées par la moquette et le parquet.  

Cour de cassation, 21 mars 2024, n° 22-17.619  

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