Le DPE ne se résume pas à son étiquette énergétique, le descriptif technique est aussi essentiel. Le diagnostiqueur doit renseigner ce qu’il voit, mais ne pas oublier de dire ce qu’il n’a pas vu. Dans un DPE sur factures, le diagnostiqueur n’a pas évoqué la résistance, l’épaisseur, et l’année de l’isolation. Bien sûr, il n’avait aucun moyen de savoir, mais justement, il aurait dû préciser que ces caractéristiques étaient inconnues.
C’était la règle jusque 2021. Dans l’ancien (avant 1948) ou dans le collectif, le diagnostiqueur utilisait systématiquement la méthode sur factures pour établir son DPE. Et si le propriétaire n’avait aucune facture à communiquer (ce qui arrivait souvent), l’opérateur remettait un rapport avec une étiquette vierge.
C’est le cas de cette maison en Normandie. Lors de la vente en 2019, les vendeurs ont fourni un DPE réalisé quatre ans plus tôt. Sans étiquette énergétique, puisque les vendeurs, anglais, n’avaient transmis aucune facture d’électricité de cette résidence secondaire.
L’acquéreuse estime toutefois que le diagnostiqueur a commis une erreur « en ne renseignant pas toutes les mentions requises sur les types de murs, et (…) en précisant que l’immeuble faisait l’objet d’une isolation intérieure alors qu’elles ne résultaient d’aucun constat visuel ». Résultats, l’isolation a été surestimée et ce DPE entaché d’erreurs lui a faire perdre une chance de mieux négocier le bien auprès des propriétaires. Elle évalue ainsi sa perte de chance au montant des travaux d’isolation rendus nécessaires dans la maison, soit près de 30.000 euros.
Le diagnostiqueur devait renseigner “isolation inconnue”
Le diagnostiqueur se défend. L’étiquette est vierge, mais dans son diagnostic, il a renseigné le descriptif technique. Il mentionne ainsi des murs et des pans de bois d’une épaisseur de 18 cm et une isolation par l’intérieur. Pour lui, aucune faute n’a été commise puisqu’il s’agit d’une maison construite avant 1948 et qu’il n’est donc pas tenu à mentionner les postes d’évaluation de la méthode conventionnelle.
Pour la cour d’appel de Rouen, l’opérateur a toutefois commis une erreur. Non pas sur l’épaisseur des murs ou sur le type d’isolant, mais sur la résistance, l’épaisseur, et l’année de l’isolation. Aucune mention n’est portée à ce sujet dans le DPE. « Si la (société de diagnostic) ne pouvait pas effectuer de sondages destructifs dans les murs afin de renseigner ces données, il lui incombait d’indiquer son impossibilité à y répondre, comme elle l’a fait pour le planchers bas1 en insérant la mention suivante : ‘isolation inconnue (présence impossible à déterminer)’ ».
La cour d’appel retient la faute du diagnostiqueur. « L’omission de réponse à ces trois points de l’investigation à laquelle était règlementairement tenue (la société de diagnostic), dans l’accomplissement de sa mission, n’a pas permis à (l’acquéreuse) de disposer de tous les éléments sur l’isolation intérieure de l’immeuble qu’elle projetait d’acquérir. » L’acquéreuse a donc été induite en erreur, puisque « la simple lecture du Dpe laissait penser (…) que les murs étaient correctement isolés ».
Il y a donc bien un préjudice pour l’acquéreuse qui n’a pas pu négocier le prix à la baisse, mais « la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ». La cour d’appel de Rouen ramène cette perte de chance à 20% des travaux d’isolation des murs (21.000 euros). Le diagnostiqueur devra donc verser 4.200 euros à la partie adverse.
Cour d’appel de Rouen, 7 juin 2023, RG n° 21/04522.
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