Oui, le diagnostic de performance énergétique réalisé en 2012 accumule les erreurs. Le diagnostiqueur a conclu à un vertueux C quand l’expert ne voit qu’un modeste E. Opportunément, les acquéreurs réclament donc la prise en charge des travaux qui leur permettraient d’atteindre la performance énergétique…
Un même bien, trois DPE, trois lettres différentes. Un premier diagnostic réalisé fin 2012 en amont de la vente, classait la maison de Loire-Atlantique en C avec une consommation de 149,84 kwhEP/m². Trop généreux. Les nouveaux propriétaires estimant que leur habitation était difficile à chauffer et que leurs factures d’électricité étaient anormalement élevées, ont donc sollicité un nouveau diagnostic début 2014.
Résultat, une classe D, cette fois. Un troisième diagnostic déclenché près d’un an plus tard dans le cadre d’une expertise amiable, aboutira cette fois à la lettre E. L’expert mandaté par le tribunal retiendra également une classe E. Pour lui, c’est clair, le diagnostiqueur qui a officié en amont de la vente n’a pas réalisé son DPE dans les règles de l’art.
“Totalement entaché d’erreurs”
Et l’opérateur a semble-t-il accumulé les erreurs. Comme souvent en pareilles circonstances, son rapport a été épluché avec minutie à la recherche de la moindre coquille même si celle-ci a parfois peu d’incidence sur la performance énergétique du bien. Pêle-mêle: 400 mm d’isolation dans les combles quand il n’en existe que 200 mm, présence de volets roulants sur des ouvrants qui en sont pourtant dépourvus, mauvaise appréciation de l’épaisseur de la lame d’air du double vitrage, mauvaise estimation de l’isolation des rampants…
Reprenant les conclusions de l’expert, le juge se montre particulièrement accablant pour cette société aujourd’hui disparue. Le DPE est “totalement entaché d’erreurs”, “le diagnostiqueur n’a pas réalisé le DPE dans les règles de l’art (mauvais relevé des composants thermiques et/ou insuffisance professionnelle)”.
Devant le tribunal de grande instance, puis devant la cour d’appel de Rennes, les propriétaires se montrent cependant un peu gourmands. Ils vont jouer sur deux tableaux. D’abord, ils réclament la réparation intégrale de leur préjudice; autrement dit, que le diagnostiqueur prenne à sa charge les travaux permettant d’atteindre la performance énergétique décrite dans son rapport, soit quelque 20.000 euros. Mais ils réclament aussi la somme de 25.000 euros au titre de la surévaluation du prix de la maison et plus de 2.000 euros au titre de la surconsommation d’énergie.
Perte de chance
Oui, mais il s’agit d’un DPE ancienne version avec une valeur purement informative pour l’acquéreur ou le locataire, et sans l’opposabilité qu’on lui connaît désormais. “Compte tenu de cette valeur informative, édictée par ces dispositions relativement au seul diagnostic de performance énergétique, les appelants ne peuvent utilement demander de faire application en l’espèce de la jurisprudence consacrant une réparation intégrale des préjudices subis par l’acquéreur en cas de faute commise par le diagnostiqueur dans l’établissement des diagnostics en vue de la recherche d’amiante ou de termites.”
La cour d’appel rejette également la demande d’indemnisation au titre de la surconsommation d’énergie. “Un diagnostic de performance énergétique ne garantit pas la consommation énergétique en termes de coût et qu’ainsi toute demande de réparation au titre d’une surconsommation alléguée n’est pas fondée.”
Selon une jurisprudence constante, la cour d’appel estime donc que “le préjudice subi par les acquéreurs du fait de l’information erronée reçue à ce titre ne peut consister dans le coût des travaux d’isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente.” Le jugement rendu en première instance est confirmé, le diagnostiqueur et son assureur devront verser quelque 15.000 euros, mais uniquement au titre de la perte de chance. Et parce que le DPE avait encore une valeur informative à l’époque…
Cour d’appel de Rennes, 1er juin 2022, n°19-00316.
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