La surface du logement est inexacte, mais le vendeur échappe à une condamnation

La petite annonce mentionnait une surface supérieure à la réalité. Les acquéreurs estiment avoir été délibérément trompés par les vendeurs. Mais lorsque le bien échappe au régime de la copropriété, un écart de surface ne donne pas systématiquement droit à une indemnisation.

Gare à la surface mentionnée dans l’annonce immobilière. Lorsque la vente porte sur un un lot de copropriété, tout écart significatif peut être sanctionné avec le mécanisme la loi Carrez, mais pour une maison, cela ne fonctionne pas: une surface erronée ne donne pas systématiquement droit à réparation.

L’annonce de cette maison vendue en 2008 en région parisienne mentionnait une surface de 155 m². Plutôt généreux, car l’expert judiciaire en comptera à peine 139 m². Pour les acheteurs, l’affaire est claire, les vendeurs connaissaient la surface réelle de la maison, mais ils se sont bien gardé de le dire. Ils s’estiment donc victimes de dol, une manœuvre délibérée consistant à les tromper afin de tirer un meilleur prix du bien.

Plus facile à dire qu’à démontrer. Le dol suppose “des dissimulations ou des agissements réalisés intentionnellement, c’est-à-dire dans le dessein d’induire en erreur son cocontractant”, rappelle la Cour de cassation dans son arrêt. Et dans cette affaire, les acquéreurs ne démontrent pas la mauvaise foi de leurs vendeurs. “La mention de 155 m², figurant dans l’annonce, ne démontrait pas la volonté des vendeurs de tromper les acquéreurs, alors que ceux-ci avaient visité à sept reprises le bien et qu’ils avaient été en mesure de se convaincre de sa consistance et de faire les vérifications qu’ils estimaient nécessaires, notamment en termes de superficie.”

D’autant que dans la petite annonce publiée en 2008, on ne sait trop de quelle surface on parle au juste. Surface habitable? Surface privative? De plancher? Il en existe tellement… Dans son rapport, l’expert évoque une surface habitable réelle de 139 m², mais aussi une surface globale de 198 m², en tenant compte de la dépendance, du garage, du sous-sol, etc. La Cour de cassation confirme donc l’arrêt d’appel, les acquéreurs se voient donc déboutés de leur demande d’indemnisation.

Surface non garantie pour les maisons

Cet arrêt montre combien les surfaces des maisons doivent être considérées avec prudence. Pour un lot en copropriété, la loi Carrez impose la mention de la surface privative, et en cas d’erreur avec un écart de plus de 5%, elle prévoit également une restitution proportionnelle du prix de vente. Depuis 25 ans, de nombreux acquéreurs en copropriété ont ainsi obtenu gain de cause grâce à ce mécanisme quasi systématique.

Mais la loi Carrez ne fonctionne que pour les biens en copropriété. Dans le cas d’une maison individuelle, il n’existe aucune garantie de surface, même pas l’obligation de mentionner la surface dans l’acte ou la promesse de vente.

Pourquoi ne pas étendre le mécanisme loi Carrez aussi aux vente des maisons individuelles? La proposition a déjà été effectuée dans le passé, elle revient même sur le tapis régulièrement, notamment sous forme de question parlementaire. Mais les pouvoirs publics ont toujours refusé: la notion de surface habitable intervient moins dans la valeur d’une maison qui porte à la fois sur le bâti, mais aussi sur le terrain. “Une erreur sur la surface du bâti ne justifie pas mécaniquement une baisse correspondante du prix”, expliquait en 2016 le ministère du Logement. Oui, mais ça c’était avant. Car une petite évolution est intervenue en 2021 avec l’avènement du nouveau DPE: la surface qui sert à établir le diagnostic compte parmi les données opposables. En clair, si la surface est erronée, l’acquéreur peut désormais se retourner contre le vendeur.

Cour de cassation, 7 septembre 2022, n° 21-19292.

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