Quand près de la moitié de l’appartement empiète sur les parties communes

Mesurage loi Carrez

Dans une copropriété parisienne, une bonne partie de l’appartement avait été gagnée sur les parties communes. Les lots ont pourtant été comptabilisés dans la superficie privative au moment de la vente. Grossière erreur, mais cela ne veut pas dire pour autant que les acquéreurs peuvent prétendre à une diminution proportionnelle du prix de vente.

On s’en doute, la surface loi Carrez n’est plus du tout la même. L’acte de vente mentionnait une superficie privative de 38,33 m² d’après un mesurage réalisé par un diagnostiqueur. Oui, mais puisque deux des quatre lots vendus sont des parties communes en jouissance exclusive, elle ne pouvaient donc être cédées.

Déduction des deux lots litigieux, la surface privative est pratiquement amputée de moitié : l’appartement ne fait plus que 21 m². On est très largement au-delà de la marge d’erreur d’un vingtième prévue par la loi Carrez, les acquéreurs ne vont pas se priver de demander la restitution proportionnelle du prix de vente.

En première instance, les vendeurs sont donc condamnés à rendre près de 80.000 euros, au titre de la diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure. Pour un appartement vendu quelques années plus tôt au pris de 175.000 euros, ça fait mal.

Toutes les erreurs ne se valent pas

La cour d’appel de Paris vient toutefois d’infirmer le jugement. Certes, la surface privative mentionnée dans le compromis de vente est erronée, et les acquéreurs peuvent prétendre à une diminution du prix de vente. Mais peut-être pas dans les proportions voulues.

« Dès lors que l’erreur de mesurage provient de la prise en compte d’une superficie existante mais qui ne devait pas entrer dans le prix de vente, il n’y a pas lieu d’appliquer la réduction proportionnelle sur la somme de 175.000 euros, prix total du bien immobilier vendu, mais d’effectuer un calcul correspondant au prix total diminué de la valeur des deux lots de copropriété (litigieux). » La diminution de prix pour la superficie litigieuse de 17,33 m² est donc ramenée à 52.000 euros.

La responsabilité du diagnostiqueur mesureur est aussi écartée. Puisque l’ensemble des quatre lots forme une unité d’habitation, rien ne lui permettait de distinguer les parties communes. « Il convient de rappeler que l’appartement tel que présenté pour le mesurage comprenait plusieurs pièces dont la cuisine et la salle de bains, parties communes à jouissance exclusive intégrées dans le bien vendu et formant ainsi une unité d’habitation de sorte qu’aucun indice matériel ne pouvait permettre au mesureur. »

Selon une jurisprudence bien établie, le diagnostiqueur mesure le lot tel qu’il se présente lors de son intervention. « (La société de diagnostic) n’avait toutefois pas en tant que mesureur à procéder à une analyse juridique du lot ” (consultation plan cadastral ou règlement de copropriété qui ne lui ont au demeurant pas été fournis) pour connaître les limites du lot à mesurer : seules les surfaces apparentes comptent dans le cadre de mission technique de métrage. »

Notaire et agent immobilier condamnés

En revanche, si le diagnostiqueur n’était pas tenu de vérifier la consistance, ce n’est pas le cas de l’agent immobilier et du notaire. Le premier aurait dû avoir la puce à l’oreille puisque le compromis de vente désigne les quatre lots de copropriété conformément au règlement de copropriété en évoquant deux lots « en jouissance exclusive ».

L’agent immobilier aurait dû se montrer plus vigilant. « Les vérifications à opérer au vu du règlement de copropriété étaient d’autant plus nécessaires qu’il existe une incohérence manifeste entre la désignation juridique du bien, comprenant des lots privatifs et des parties communes à jouissance exclusive selon le règlement de copropriété, et la présentation physique du bien. »

Même reproche au notaire qui n’a pas mené les vérifications utiles et nécessaires selon la cour d’appel. « Il n’est pas demandé aux notaires de contrôler les métrages effectués, ce qui constitue une intervention technique hors de leurs compétences, mais, au regard des conséquences judiciaires sur le mesurage correct des superficies en matière de copropriété, de s’assurer, en vérifiant les éléments juridiques (règlement de copropriété, état descriptif de division, tableau récapitulatif des lots) qui leur ont été transmis, de la concordance entre ces éléments et les diagnostics. »

Les fautes de l’agent immobilier et du notaire ont donc empêché les vendeurs de tirer un meilleur prix de leur appartement, malgré une surface moindre. La cour d’appel de Paris les condamne donc à verser in solidum 25.000 euros aux vendeurs.

Cour d’appel de Paris, 9 juin 2023, n° 19/11523

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