Réforme des aides à la rénovation: des objectifs louables, des moyens qui restent à préciser

L’exécutif veut 200.000 rénovations performantes d’ici 2025. Trois fois plus qu’aujourd’hui. Pour accélérer la cadence, le gouvernement a ouvert une consultation express sur la réforme des aides à la rénovation énergétique, MaPrimeRénov’ en tête. Du côté des acteurs de la filière, les annonces vont plutôt dans le bon sens, mais il faudra attendre le 12 juin et les arbitrages de Bercy, pour en avoir le cœur net.  

Plus vite, encore plus vite. Pour décarboner le logement, Élisabeth Borne a fixé les deux priorités de cette énième mouture de MaPrimeRénov’ : davantage de rénovations performantes, davantage de pompes à chaleur, pour sortir des énergies fossiles.

L’intention est sans doute louable. Du côté des acteurs engagés dans la rénovation, on s’en réjouit même. Des années que les associations, collectifs et même les professionnels plaident pour une rénovation performante plutôt que monogeste. « Seule la rénovation performante (…) permet de décarboner notre société, tout en sortant les ménages de la précarité énergétique et de ses conséquences sur la santé, en divisant nos consommations de chauffage par 4 à 10 selon les situations », réaffirme près d’une trentaine d’acteurs (*), dans un courrier adressé cette semaine à différents ministres.

L’intention est là, on reste vigilant sur la méthode. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et le courrier pointe du doigt plusieurs « risques majeurs » susceptibles de ruiner les efforts du gouvernement. Dans ses propositions, la trentaine d’acteurs de la rénovation plaide pour « une réforme efficiente et réaliste des aides ». « L’objectif est d’apporter aux ménages un dispositif pérenne, simple, articulant tous les financements nationaux actuels (MaPrimeRenov’, Certificats d’Economies d’Energie, éco-prêts à taux zéro…) en renforçant la performance atteinte. »

Accompagner pour mieux rénover

Les écueils, on les connaît. Il y a d’abord la question financière. Rénover coûte cher, beaucoup trop cher pour de nombreux ménages. Les signataires du courrier réclament donc « un reste à charge nul ou quasi sur l’accompagnement et les travaux » pour les ménages modestes, avec une prise en charge prioritaire de l’État. Pour les autres, l’accès à l’éco-PTZ doit être facilité et massifié.

Deuxième écueil à lever, l’accompagnement des ménages souvent perdus dans un dispositif de rénovation en perpétuel mouvement. Certes, Mon Accompagnateur Rénov’ existe désormais, et il doit se renforcer en 2023. Les acteurs de la rénovation énergétique veulent aller plus loin, avec une prise en charge systématique et à 100% pour les ménages modestes et très modestes, mais aussi pour les quelque 100.000 ménages acquéreurs d’une maison énergivore chaque année. « La mobilisation de milliards d’euros pour les rénovations justifie de prévoir plusieurs centaines de millions d’euros pour l’accompagnement, au moins les premières années, le temps de rassurer les ménages sur l’intérêt de cet accompagnement et de lancer la dynamique. »

Troisième écueil, l’efficience de cette rénovation. Les signataires du courrier avancent quelques propositions comme la systématisation des tests d’infiltrométrie, histoire de s’assurer que l’isolation est vraiment efficace, ou la promotion d’une rénovation globale en deux ou trois étapes. Les acteurs de la filière proposent ainsi de mettre en place « une aide à la rénovation performante en 3 étapes de travaux maximum, suivant un ordre basé sur des bouquets de travaux précalculés, très simples, pour traiter les 6 postes de la rénovation performante et les interfaces associées ».  

Les passoires exclues des aides pour une pompe à chaleur

Le gouvernement l’a annoncé, la future version de MaPrimeRénov’ doit aussi favoriser les systèmes de chauffage décarbonés. D’accord, mais les acteurs de la rénovation énergétique réclament quelques garde-fous pour que cette mesure ne se révèle pas contre-productive. Après tout, pourquoi rénover sa maison, si en changeant simplement mon chauffage, je saute une ou deux classes du DPE ?

« Le forfait de changement de chauffage perçu comme plus simple et rapide que la rénovation performante sera privilégiée par les acteurs peu scrupuleux, qui n’auront aucun mal à classer un logement F ou G en classe E ou D pour financer ce monogeste », préviennent les signataires. « L’installation massive de pompes à chaleur ne doit pas se faire au détriment des travaux d’isolation de l’enveloppe et de ventilation, et doit prendre en compte l’ensemble des enjeux de la rénovation énergétique. »

Pour éviter de faire pire que mieux, il est donc proposé de limiter les aides très généreuses de l’État pour s’équiper d’une pompe à chaleur « aux logements livrés après le 1er janvier 1984 (donc après la mise en application réelle de la réglementation thermique 1982), et bénéficiant d’un DPE au moins classé D ». Exit les passoires énergétiques, donc.

Ces propositions ne sont pas nouvelles. Dans le cadre de la planification énergétique, les échanges ont été nombreux au cours des derniers mois. Danyel Dubreuil, coordinateur de l’Initiative Rénovons, apparaît plutôt confiant. Tout ne passera sans doute pas, mais les signaux reçus ces dernières semaines sont positifs, synonymes de « progrès intéressants ».

Densification des aides et de l’accompagnement, aide à la rénovation performante en deux ou trois étapes, passoires énergétiques exclues des aides pour les pompes à chaleur, autant de pistes qui ont reçu l’approbation du ministère de la Transition écologique. L’arbitrage doit désormais se faire du côté de Bercy, réponse le 12 juin. Car le gouvernement veut faire vite, la nouvelle version de MaPrimeRénov’ est attendue dès le 1er janvier 2024.

(*) Agir pour le climat, Dorémi, Christian Cardonnel Consultant, Coénove, Campagne Unlock, Fondation Abbé Pierre, Knauf Insulation Europe, Initiative Rénovons, négaWatt, Greenpeace France, CLER – Réseau pour la Transition Energétique, France Nature Environnement…

L’intégralité des propositions