Rénovation, avec ou sans amiante?

Si on entend énormément parler de rénovation énergétique, pas un mot toutefois sur l’amiante. Un paradoxe. Car plus on va effectuer de travaux, plus le risque d’exposer des travailleurs et la population augmente. Du côté de l’Europe, on réfléchit justement pour profiter de cette rénovation énergétique afin d’éradiquer l’amiante.

L’opportunité est trop belle. Douze ans après sa dernière révision, la directive européenne pour la protection des travailleurs face à l’amiante, est justement remise sur le métier. Le travail en commission a débuté, accouchement prévu en 2022.

La députée européenne Véronique Trillet-Lenoir, cancérologue et rapporteure pour le groupe Renew Europe, s’est saisie du sujet. “La vague de rénovation prévue dans le Pacte vert européen représente une opportunité pour le retrait de l’amiante, autant qu’un risque pour les travailleurs du bâtiment.”

L’opportunité de la rénovation

Question de logique. Car plus on va rénover, plus on risque de taper dans l’amiante. D’autant que les bâtiments considérés comme les pires passoires énergétiques, sont souvent sortis de terre dans les années 1950-1970, justement l’ère du tout-amiante. “Une stratégie européenne est nécessaire pour éviter les inégalités de protection : chaque travailleur doit pouvoir être protégé, quel que soit son lieu de travail“, souligne la députée européenne qui plaide également un accompagnement financier pour lever ce frein qu’est l’amiante dans les opérations de rénovation. 

Les propriétaires les plus modestes doivent être accompagnés par la puissance publique dans la prise en charge du désamiantage. Car désamianter maintenant, pour une société, c’est éviter de transmettre ce fardeau aux prochaines générations et réaliser un investissement majeur pour la santé publique : les bénéfices sont considérables, non seulement en vies épargnées, en douleurs évitées, mais aussi en économies pour les systèmes de protection sociale.”

Les ambitions européennes

Deux commissions ont déjà rendu leur avis en juillet et en septembre. Toutes deux plaident un sérieux renforcement de la réglementation amiante dans les États membres. Parmi les très nombreuses propositions, pêle-mêle, on peut citer: la généralisation des repérages (avant-vente ou travaux) à tous les pays, une aide financière au désamiantage et au repérage, des plans de désamiantage pour les États membres, l’abandon des conduites en amiante-ciment pour l’eau potable, un recensement de l’amiante en milieu scolaire et la priorisation de leur rénovation, le renforcement des protections des travailleurs, une meilleure information des citoyens… Et on en passe.

Tout ne sera peut-être pas voté dans les mois qui viennent, et il faudra aussi attendre encore la traduction dans la réglementation nationale et la mise en application. Mais ces deux premiers avis illustrent la tendance et annoncent sans doute des évolutions substantielles en matière d’amiante, pour les années à venir. Y compris pour la France, où la réglementation amiante apparaît pourtant comme l’une des plus poussées au niveau mondial, mais où de sérieuse lacunes demeurent. Car si des outils existent déjà comme le repérage amiante avant-travaux obligatoire, ou la formation SS4 pour tout travailleur risquant d’être exposé à l’amiante, la réglementation est loin d’être toujours appliquée. Et surtout, la France, à la différence de certains pays européens, n’a jamais mis en œuvre de plan de désamiantage pour en finir, une bonne fois pour toutes, avec l’amiante.