Par Me Damien Jost, avocat au barreau de Paris.
Le cabinet Damien Jost est spécialisé dans le domaine de l’immobilier. L’avocat est aussi un fin connaisseur du diagnostic immobilier, profession qu’il accompagne depuis plus d’une quinzaine d’années.
Une récente décision de justice (CA Lyon, 22 oct. 2022, RG 21/08664), assortie d’une lourde condamnation (plus de 900.000 euros), confirme que le notaire, même s’il n’est pas un technicien, ne saurait “faire l’impasse” sur l’environnement du bien, notamment les polluants du bâtiment (produits chimiques, amiante, etc.).
Le bien vendu (moyennant un prix de 440.000 euros), devenu maison d’habitation, avait autrefois abrité une entreprise de blanchisserie, d’où une forte pollution chimique du sol, d’abord passée inaperçue de l’acheteur. Huit années après l’achat, cette pollution fut découverte lors de travaux d’extension et de rénovation.
Le procès engagé par l’acheteur a abouti à la condamnation conjointe du vendeur et du notaire à assumer le coût des travaux de dépollution du site. Par sa valeur pédagogique, la motivation de cette condamnation mérite que l’on s’y arrête.
Le notaire “doit veiller à ce que les parties disposent des clés juridiques nécessaires pour comprendre la portée ou les risques des actes qu’elles concluent par son intermédiaire“
Pour sa défense, le notaire a fait valoir qu’il ne fut qu’un “rédacteur d’acte” et, surtout, qu’il ignorait complètement le passé industriel du bien. Or l’acheteur est parvenu à démontrer que le notaire avait jadis participé à de nombreux actes concernant la société ayant exploité le site industriel. Les juges ont tenu à rappeler que le notaire “doit veiller à ce que les parties disposent des clés juridiques nécessaires pour comprendre la portée ou les risques des actes qu’elles concluent par son intermédiaire“.
Ici, cette clé aurait pu consister en un diagnostic environnemental effectué avant la vente. En effet, comme l’ont aussi souligné les juges, le notaire doit “anticiper les difficultés à naître” ; en d’autres termes, sa connaissance du passé doit lui permettre d’envisager ce que pourraient être les difficultés futures.
Faute d’avoir conseillé aux parties de faire procéder à un tel diagnostic, le notaire a engagé sa responsabilité à leur égard. Sans faire de lui un technicien, les juges ont ici considéré que le notaire était à même d’anticiper certaines difficultés à partir des informations portées à sa connaissance.
Ce qui vaut pour les actes antérieurs dont le notaire a connaissance pourrait aussi valoir pour les diagnostics recueillis par le vendeur, que le notaire ne saurait annexer à son acte sans en prendre sérieusement connaissance. CQFD.
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