Sobriété énergétique, une idée qui prospère

Les réseaux sociaux sont aux aguets. Qu’une star s’offre une virée en jet-ski, qu’un grand patron s’envoie en l’air avec son jet privé, ou qu’une autre vedette roule dans un très gros 4×4, polémique assurée. Libération les appelle désormais les « grands vilains du climat ». Notre maison brûle, les grands de ce monde doivent sacrifier quelques-uns de leurs plaisirs gourmands et même un peu de leur confort sous peine de s’attirer les foudres.

Sobriété énergétique. La notion n’est pas nouvelle, mais elle se cantonnait aux cercles d’initiés voilà encore quelques mois. Autant dire qu’elle restait inaudible. La voilà désormais servie à toutes les sauces. La guerre en Ukraine a fragilisé les approvisionnements en énergie, l’été caniculaire ne permet plus de douter du dérèglement climatique, et face à la crainte d’une pénurie de gaz/électricité l’hiver prochain, la sobriété énergétique s’impose dans le discours politique jusqu’au plus haut niveau.

Rééducation

En soi, c’est déjà une révolution. Que le politique appelle à moins consommer apparaît à contre-courant du discours servi au cours des dernières années avec des hausses du pouvoir d’achat ou des aides étatiques synonymes de consommation. Dans une société nostalgique des Trente Glorieuses, cet épiphénomène pourtant vu comme la norme, c’est sans doute un exploit. La sobriété énergétique n’est plus un gros mot, on ose désormais en parler.

En pratique, c’est une autre paire de manches. Demander à revoir nos habitudes pour consommer moins d’énergie, c’est un peu comme demander à un fumeur invétéré de réduire sa quotidienne dose de nicotine. La comparaison n’est pas trop forte, tant il existe une véritable dépendance, addiction même, à la consommation. Et dans l’esprit de beaucoup, cette sobriété résonne d’ailleurs comme une forme d’austérité : si on doit consommer moins, c’est parce qu’on n’a pas (plus) la possibilité de consommer plus.

Face au réchauffement climatique, jusqu’à aujourd’hui, on pouvait encore se donner bonne conscience en isolant sa maison avec de la laine de chanvre, en roulant dans un SUV hybride, ou en rhabillant les enfants sur Vinted, mais disons-le, ça n’avait pas vraiment bouleversé nos habitudes. Comme si la transition écologique pouvait être réduite à des centimètres d’isolation ou à une Pac au rendement sans cesse amélioré. Les masques tombent, ce n’est pas suffisant pour réussir cette indispensable transition, il faudra donner un peu de soi-même.

L’effet pervers de la rénovation

Des études, notamment outre-Rhin, l’avaient montré, plus on rénove, plus on augmente son confort. Ceux qui se sont convertis aux pellets avaient par exemple tendance à augmenter la température ambiante. C’est humain. Puisque c’est moins cher, on regarde un peu moins à la dépense. Du coup, ce changement de comportement avait une fâcheuse tendance à grignoter les précieuses économies d’énergie réalisées grâce aux coûteux travaux de rénovation. 

La sobriété sous-entend désormais que la rénovation ne doit plus seulement être technique, elle doit aussi s’accompagner d’un volet comportemental. Jusqu’à présent, ces conseils se trouvaient noyés dans la littérature du rapport de DPE, demain, il faut s’attendre à ce que ces recommandations d’usage soient davantage valorisées. Et on imagine que les diagnostiqueurs, les futurs auditeurs et accompagnateurs Rénov’, tous ceux qui ont un rôle à jouer dans la rénovation énergétique du bâti, soient aussi promus ambassadeurs de cette vertueuse sobriété.

Oui, le changement est radical, violent même, car dans le fond, cette conversion à la sobriété énergétique risque souvent d’être forcée. Que les tarifs de l’énergie se mettent à flamber comme on nous le promet et comme on le voit déjà chez certains de nos voisins européens, que les pellets viennent à manquer cet hiver, que nos centrales nucléaires ne parviennent plus à satisfaire à la demande (les scénarios catastrophes ne manquent décidément pas en cette rentrée), et cette sobriété risque d’être subitement promue. Sans que l’on sache au juste s’il s’agit de sobriété ou de précarité. Finalement, appeler à la sobriété c’est aussi une façon d’endiguer la précarité énergétique qui malgré tous les efforts de rénovation, risque fort de prospérer.

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