On ne peut pas attendre d’un diagnostic vente la même exhaustivité qu’un diagnostic avant-travaux, encore moins d’un diagnostic amiante. Mais gare au devoir d’information et de conseil. La cour d’appel de Douai rappelle l’importance des réserves. Qui doivent être suffisamment circonstanciées et précises aux yeux d’un acquéreur profane.
Dans le cadre d’une vente, le diagnostiqueur ne peut pas tout voir. La réglementation a limité son intervention à des listes de matériaux (A et B). Et exonère le diagnostiqueur de réaliser des sondages destructifs. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il doit se contenter d’un simple examen visuel.
Deux lots de copropriétés, deux rapports datés de 2016. Dans les deux cas, l’opérateur n’a relevé aucune trace d’amiante. Et parce que justement, nous sommes dans le cadre d’une vente, le diagnostiqueur a rappelé les « conditions d’inaccessibilité » en excluant toutes les parties cachées par du mobilier, des revêtements, des cloisons, etc.
Colles de faïence, calicots et fourreau fibrociment
Quelques mois après la vente, l’acquéreur lance des travaux pour transformer les locaux en pharmacie. Qui dit travaux, dit nouveau diagnostic. Cette fois, le résultat n’est plus du tout le même. L’amiante est révélé dans la colle de faïence, dans les conduits en fourreau fibrociment du plénum et dans les bandes calicots des enduits projetés. Si certains produits échappent au repérage avant-vente, en revanche d’autres matériaux entrent dans le champ d’investigations du diagnostiqueur. Question : l’opérateur intervenu deux ans plus tôt dans le cadre de la transaction pouvait-il, oui ou non, déceler la présence d’amiante sans sondage destructif ?
Oui, estime l’acquéreur qui déplore un diagnostic « succinct ». « Le diagnostiqueur doit procéder à une recherche systématique de l’ensemble des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante. Et ne peut limiter son intervention à un simple contrôle visuel. Ou à certaines parties de l’immeuble. Mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission ». Et si des zones ne peuvent être diagnostiquées, à lui d’émettre toutes les réserves utiles et nécessaires. Devoir de conseil oblige. Puisque le diagnostiqueur a failli à sa mission, à lui donc de payer le désamiantage. Mais aussi d’indemniser du retard pris dans l’exploitation du commerce.
En face, le diagnostiqueur estime qu’il y a méprise. Puisqu’il est intervenu dans le cadre d’une vente, et non d’un avant-travaux. On ne peut pas lui reprocher de ne pas être exhaustif. Les colles de faïence n’entraient pas dans son programme de repérage. Quant aux autres matériaux, ceux n’ont été repérés qu’après sondage destructif et démontage des cloisons. Impossible donc de lui reprocher quoi que ce soit.
Des réserves « insuffisamment circonstanciées et précises »
Son argumentation n’a pas convaincu ni en première instance, ni devant la cour d’appel de Douai. S’appuyant sur le rapport de repérage réalisé avant-travaux, la justice estime que l’amiante était bel et bien « détectable sans travaux destructifs ».
Mais plus qu’une erreur de repérage, le diagnostiqueur semble payer un rapport jugé « laconique ». Tellement « laconique » qu’« il s’en déduit que son intervention s’est limitée à un simple contrôle visuel », ce qui apparaît insuffisant, même en cas de vente. « Il ne justifie pas avoir procédé à une recherche systématique et approfondie, sans recourir à des recherches destructrices, de l’ensemble des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante. »
Le diagnostiqueur se pensait peut-être à l’abri d’un recours grâce aux réserves d’usage glissées dans son rapport, mais la cour les balaye d’un revers de main : ces réserves apparaissent « insuffisamment circonstanciées et précises ». « Celles-ci constituent en réalité des réserves générales ne pouvant exonérer le diagnostiqueur de l’exécution de ses obligations, d’autant que l’inaccessibilité de tous les matériaux amiantés des listes A et B dans les conditions qui y sont prévues n’est pas établie. »
Pour la cour d’appel, la faute du diagnostiqueur est donc caractérisée. « Il engage également sa responsabilité s’il n’a émis aucune réserve relative aux zones non analysées, au titre de son obligation d’information et de conseil à l’égard de son client. » Il revient donc au diagnostiqueur d’«indemniser l’intégralité du préjudice résultant de l’inexactitude de son rapport, même s’il n’est prouvé aucun danger sanitaire pour les occupants ». La cour d’appel de Douai confirme le jugement de première instance, le diagnostiqueur et son assureur devront verser 25.000 euros de dommages et intérêts au titre du désamiantage.
Cour d’appel de Douai, 3e chambre, 14 septembre 2023, n° 22/02946.
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