Dès 2028, toutes les passoires énergétiques du parc locatif doivent avoir été rénovées. En théorie… La Fnaim remet les pendules à l’heure: moins d’un tiers des propriétaires-bailleurs se plieraient à l’obligation de rénovation, et presque autant entendent continuer à louer leur logement sans réaliser de travaux.
Les échéances de 2025 et 2028 avec les interdictions de location d’abord pour les passoires en G puis celles en F arrivent vite. Trop vite sans doute aux yeux de la Fnaim qui plaide pour un calendrier calé sur les ambitions européennes: une obligation de rénovation pour les logements en G en 2030, pour les logements en F en 2033.
Un tiers (seulement) veut bien rénover
Pour donner du poids à ses revendications, la Fnaim a donc interrogé 500 de ses professionnels de terrain. Histoire d’anticiper le comportement des propriétaires-bailleurs à l’approche de ces échéances. Verdict sans appel. Si 32% des propriétaires de passoires F et G veulent bien rénover leur bien pour qu’il reste décent, 31% souhaitent relouer dans l’état, 26% préfèrent vendre, et 6% encore opter pour une location de courte durée, puisque les locations saisonnières du type Airbnb (moins de quatre mois d’occupation dans l’année) ne sont pas soumises au même régime.
Pour Jean-Marc Torrollion, le patron de la Fnaim, ces chiffres n’ont rien de surprenant. “C’était une intuition, nous l’avons désormais quantifiée : près de 500.000 logements très énergivores actuellement loués seraient ainsi susceptibles de quitter le marché locatif d’ici à six ans. Il s’agit principalement de petites superficies, dont l’achat peinera de surcroît à être financé. Cela ne créera pas une catégorie de propriétaires modestes.” La président de la puissante Fnaim craint un effet déstabilisateur sur le fragile marché du locatif. “Comprenons bien l’enjeu : le marché locatif privé est un pilier majeur du logement en France et de la mobilité des Français, pour les jeunes et les actifs : 1,2 million de logements changent de locataires chaque année.“
Pas question de s’opposer à la rénovation du parc, la Fnaim rappelle tout simplement que les moyens aujourd’hui ne sont pas suffisants pour réussir cet ambitieux chantier. En particulier dans les copropriétés qui abritent 63% des 1,6 million de passoires du parc locatif privé. “Dans plus de 40% des cas, les travaux sont tributaires d’une décision en assemblée générale de copropriété.” Le frein est d’abord financier, pour plus de neuf propriétaire sur dix (93%), mais il est aussi technique, pour six répondants sur dix.
Quatre pistes pour réussir la rénovation
Répondre aux enjeux de rénovation sans déstabiliser le marché du locatif, l’équation est complexe. La Jean-Marc Torrollion suggère une stratégie articulée autour de quatre points. La patron de la Fnaim veut d’abord s’appuyer sur le futur PPT (Plan pluriannuel de travaux) qui entrera en service pour les grosses copros dès 2023. Pour faire simple, dans les copropriétés engagées dans cette démarche, les logements ne seraient pas frappés d’indécence pendant les 10 ans, le temps de la feuille de route du PPT. “La Fnaim propose d’instituer, pour tous les biens, la classe F comme standard minimum de performance énergétique au 1er janvier 2030.”
Deuxième piste, la Fnaim propose de rendre opposable le DPE collectif qui lui aussi s’imposera bientôt à l’énorme majorité des copros de France et de Navarre (toutes celles avec un permis de construire déposé avant le 1er janvier 2013). Le constat est simple, dans un même immeuble, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Parce qu’ils sont situés au dernier étage, parce qu’ils sont mal orientés, par exemple, certains logements auront les plus grandes difficultés à sortir de leur statut de passoire énergétique. Du coup, tous les propriétaires bailleurs n’auront peut-être pas le même intérêt à voter des travaux. En rendant le DPE collectif opposable “et de valeur supérieure à un DPE individuel”, la Fnaim souhaite ainsi inciter les copropriétaires “à s’engager dans un plan ambitieux de rénovation, tout en évitant de douloureux contentieux au sein même des copropriétés”.
Troisième piste, la fédération propose de s’attaquer aux passoires énergétiques des propriétaires occupants. Après tout, la France compte aujourd’hui plus de sept millions de passoires, mais seuls les logements du parc locatif privé et public (2 millions de logements au total) sont aujourd’hui dans le collimateur de la loi Climat et résilience. Pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, il faudra aussi “penser à l’éradication des logements les plus énergivores et donc intégrer les ménages propriétaires occupants”. La Fnaim rappelle que la mutation peut être un moment privilégié pour réaliser des travaux.
Enfin, sur le volet financier, la fédération suggère de développer de nouveaux outils pour valoriser l’épargne des propriétaires avec “des produits bancaires tournés vers la copropriété” ou un “produit d’épargne rénovation” afin de favoriser la réalisation de travaux au moment de l’achat. Car si des outils existent, comme MaPrimeRénov’ copropriété, ceux-ci restent peu utilisés. Pour se faire une idée, sur le premier semestre 2022, seules 80 copropriétés ont bénéficié de cette aide.
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