Même si le diagnostiqueur est passé à côté d’amiante, ce n’est pas une raison pour lui faire payer la facture du désamiantage. D’autant plus si l’amiante est en bon état, et n’exige pas d’être retiré dans l’immédiat. Condamné en première instance à plus de 140.000 euros, un cabinet de diagnostic voit sa condamnation sérieusement allégée par la cour d’appel de Montpellier.
C’est une jurisprudence qui a fait beaucoup de mal à la filière du diagnostic immobilier. Depuis un retentissant arrêt de la Cour de cassation en 2015, le diagnostiqueur qui a commis une erreur dans son rapport s’expose à de lourdes sanctions. Qu’il soit passé à côté de termites, de plomb, ou d’amiante, on lui demande de réparer intégralement la faute. Bien sûr, ce n’est pas lui qui a glissé de l’amiante dans le bien, mais il devra prendre à sa charge le coûteux désamiantage. La cour d’appel de Montpellier fait entendre un autre son de cloche.
Dans cette affaire, l’erreur est clairement établie. Dans son repérage avant-vente en 2014, l’opérateur est passé à côté de matériaux amiante pourtant “visibles et accessibles”. Grosse boulette. D’autant que l’opérateur est en contradiction même avec un précédent rapport réalisé par ses soins et remis quelques années auparavant. “Le rapport de repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante effectué (…) le 29 août 2014 a limité la présence d’amiante au “RDC-Hangar 2″, alors que ce même diagnostiqueur l’avait antérieurement signalée en 2012 en un autre lieu du bien immobilier objet du litige.” En fait, l’amiante se trouve à la fois dans les dépendances, dans la chaufferie, dans le garage et dans les combles de l’habitation. L’expert précise par ailleurs que le rapport comporte “des omissions et non conformités”.
L’amiante n’empêche pas d’habiter la maison
L’erreur est indiscutable, les acquéreurs réclamaient plus de 200.000 euros, ils en obtiendront 145.000 en première instance. Le tribunal judiciaire de Béziers a estimé que le préjudice du couple correspondait au coût des travaux de désamiantage de cette maison de l’Hérault.
La cour d’appel vient toutefois d’infirmer le jugement. Le désamiantage ne s’imposait pas puisque l’amiante restait en bon état et que l’expert lui-même avait conclu que les occupants du bien ne couraient pas de risque pour leur santé. “Le lien certain entre la présence de produits amiantés non signalés par le rapport du diagnostiqueur, et la nécessité de réaliser les travaux de désamiantage n’est dès lors pas établi.”
Puisque “les travaux ne sont ni nécessaires ni obligatoires”, le préjudice ne “peut correspondre, comme l’a décidé à tort le premier juge, au montant de la totalité des travaux de désamiantage, ce qui reviendrait à faire supporter au diagnostiqueur, certes responsable de son défaut d’information, mais sans lien avec la présence des produits amiantés, la totalité de travaux obligatoires.”
La cour d’appel revoit donc la condamnation du diagnostiqueur sérieusement à la baisse. “La condamnation liée à la faute du diagnostiqueur ne peut donc être constituée que de dommages-intérêts correspondant à la perte de de chance de négocier une baisse de prix d’achat de la maison.” Cette perte de chance est ainsi estimée à la somme de 40.000 euros “représentant l’équivalent arrondi d’une marge de 5% du prix de vente”.
Cour d’appel de Montpellier, 26 janvier 2023, n° 19-07870.
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