Face aux critiques récurrentes adressées au DPE, le tour de vis supplémentaire était annoncé. La certification DPE des diagnostiqueurs est revue et corrigée. À partir du 1er juillet 2024, elle sera plus lourde, la formation plus longue, les contrôles plus fréquents. Et, forcément, elle sera plus coûteuse. La filière doit se professionnaliser coûte que coûte. Les pouvoirs publics laissent un peu moins d’un an pour digérer et s’y préparer.
Un bac+2 en poche, trois jours de formation qui ressemblaient parfois à du bachotage, une certification passée dans la foulée, et le candidat devenait diagnostiqueur. S’il le souhaitait, il pouvait même ouvrir son propre cabinet. Sans peut-être ne jamais avoir mis les pieds dans un logement au cours de sa formation. Ce qui était acceptable voilà quelques années lorsque le personne ne prêtait attention au DPE, n’est plus possible aujourd’hui.
Le DPE est devenu trop essentiel dans la politique de rénovation énergétique. Les enjeux sont bien trop grands. Et avec sa mise en lumière il y a deux ans, le diagnostic essuie bien trop de critiques. La méthode a déjà été revue. Elle sera sans doute à nouveau corrigée dans l’avenir. Le ministère s’attaque aux compétences des professionnels.
Plus de formation pratique…
La marche est un peu plus haute pour accéder au métier. Le candidat doit toujours attester au bas mot d’un diplôme/titre bac+2. Ou d’une expérience professionnelle de trois ans. Mais il voit sa formation initiale étoffée : 56 heures (contre trois jours actuellement) pour une certification DPE sans mention. 21 heures de plus (contre deux jours supplémentaires actuellement). Le ministère a pensé à tout. Les organismes de formation pourront dispenser une partie de la formation à distance. Mais sans en abuser avec un quota d’heures à ne pas dépasser.
Par le passé, la formation du diagnostiqueur a souvent été critiquée, jugée trop théorique. Message reçu. L’arrêté glisse une bonne dose de pratique : pour un nouvel entrant, la moitié de sa formation devra être pratique avec au minimum 7 heures de terrain (14h pour une certification avec mention). Il devra aussi être accompagné d’un tuteur (5 ans d’expérience minimum) lorsqu’il fait ses premiers pas dans le métier. Idem pour l’examen pratique à partir de 2026 qui devra se faire dans un bâtiment réel ou aménagé. Plus de pratique. Plus de mise en situation. Personne ne trouvera à redire, tant la formation initiale pouvait aujourd’hui sembler light au regard des enjeux.
Pour les diagnostiqueurs en exercice, les exigences de formation continue sont également revues à la hausse. Au cours de son cycle de certification, chaque opérateur devra suivre sept heures de formation par an lors de la deuxième, la troisième, la quatrième et la sixième année du cycle pour le DPE sans mention. Quatre jours au total, sur sept ans. Comptez 7 heures supplémentaires par an lors de la deuxième et la cinquième année du cycle pour le DPE avec mention.
… plus de contrôles…
Mieux préparer les nouveaux entrants, mieux détecter les mauvaises pratiques, c’est l’autre ambition de cette réforme. La surveillance des diagnostiqueurs est donc renforcée avec trois contrôles documentaires au cours du cycle de certification. Et surtout, trois contrôles sur ouvrage. Un au cours d’une mission dans les 12 mois suivant la certification. Les deux autres dans les années qui suivent, sur un bien qui aura déjà été diagnostiqué.
Le dispositif peut sembler lourd, pourtant on parle de minimum. Si le boulot est bien fait, pas de raison d’aller au-delà. En revanche, en cas d’écart critique ou même d’écarts non critiques répétés, le diagnostiqueur sera soumis à un nouveau contrôle. L’organisme certificateur a aussi la faculté de déclencher à tout moment un contrôle « en cas de résultats potentiellement anormaux dans les DPE ». En clair, les diagnostiqueurs qui ne marchent pas dans les clous risquent de connaître des contrôles encore plus fréquents. Ce qui financièrement pourrait vite devenir intenable.
Ces contrôles apparaissent aussi davantage formalisés.
Les organismes certificateurs avaient élaboré leurs propres grilles pour relever les éventuels écarts dans la réalisation du DPE. Cette fois, la réglementation pose un véritable barème. Exemple: un diagnostiqueur qui ne demande aucun document au client, ou qui commet une erreur de surface supérieure à 5%, écope d’un écart critique. Idem s’il s’est trompé dans le nombre de menuiseries ou de parois ou de ponts thermiques, s’il n’a pas transmis le diagnostic à l’Ademe… La certification est maintenue, mais prière de repasser par un nouveau contrôle sous un mois.
L’arrêté dresse ainsi une longue liste des écarts non critiques ou critiques, pour le diagnostic proprement dit, mais aussi pour les recommandations. Non opposables, suggérées automatiquement par le logiciel, les recommandations restaient parfois négligées. Le diagnostiqueur devra y veiller à l’avenir. Les recommandations illogiques ne passent plus. Par exemple recommander une PAC quand l’installation n’est pas possible ou quand il en existe déjà une (ça s’est déjà vu), sera sanctionné d’un écart critique.
… moins de mauvaises pratiques?
Comment cette nouvelle certification sera-t-elle accueillie? Chez les diagnostiqueurs où elle reste souvent vécue comme un permis de travail, la pilule risque d’être amère. Les formations supplémentaires, l’inflation des contrôles, en particulier in situ, sont synonymes de coûts parfois lourds à supporter. En théorie, les prix revus devraient donc être revus à la hausse pour le DPE.
Autre effet collatéral de ce nouvel arrêté, l’accès au métier à un moment où la filière a pourtant grand besoin de diagnostiqueurs DPE, risque de devenir plus corsé. Aux prérequis de diplôme et/ou d’expérience laissés inchangés, viennent s’ajouter des coûts de formation supplémentaires. Et aussi de certification avec un examen pratique alourdi à partir de 2026. La mise en place du tutorat complique également la tâche. Pour ceux qui une fois leur certification en poche, avaient l’intention de se lancer en solo.
Des contraintes, des coûts supplémentaires, mais l’effet peut aussi se révéler bénéfique. Avec la redondance de contrôles et un même barème national chez tous les certificateurs, cette réforme de la certification -la troisième en quinze ans- permet de lutter contre les mauvaises pratiques. La professionnalisation doit se faire coûte que coûte. C’est aussi ce à quoi aspire la filière dans son ensemble. Sans toujours être d’accord sur les moyens pour y parvenir.
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