La certification est-elle encore adaptée pour les spécialistes de l’amiante avant-travaux ?

On appelle ça un trou dans la raquette. Thierry Ornaque, gérant de Géocapa, se consacre aujourd’hui exclusivement au repérage des enrobés routiers. Mais cette précieuse spécialisation vient pourtant de lui jouer un mauvais tour.

En novembre, cet opérateur, 25 ans de métier au compteur, a vu sa certification amiante avec mention suspendue faute de pouvoir justifier d’une activité suffisante (par rapport aux critères de l’arrêté compétence version 2016). C’est la règle, pour maintenir son certificat, un diagnostiqueur doit produire au moins cinq rapports sur l’année écoulée. Qu’importe qu’il ait effectué des dizaines et dizaines de missions sur les routes au cours de l’année, c’est comme s’il n’avait rien fait puisque le repérage avant-travaux des immeubles non bâtis n’entre pas (encore) dans le champ de la certification. Suspendu, donc.

L’histoire a malheureusement un goût de déjà-vu. En 2018, alors que la réglementation avant-travaux des immeubles bâtis piétinait, des opérateurs avaient déjà rencontré des difficultés auprès de leurs certificateurs parce qu’ils ne réalisaient que des avant-travaux et que ce type de repérage n’entrait pas alors dans le champ de la surveillance. Heureusement, depuis, la DHUP (Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages) a corrigé le tir, les avant-travaux des immeubles bâtis sont désormais pris en considération, tout comme le nouveau projet d’arrêté compétence (lire ci-dessous) promet, une fois en vigueur, de faire entrer les autres domaines de l’avant-travaux dans la surveillance de la certification amiante avec mention.

Un arrêté jugé trop généraliste

La mésaventure de Thierry Ornaque soulève cependant une question de fond : la certification de personne est-elle encore adaptée pour les spécialistes de l’amiante avant-travaux ? Clairement, non, estime le gérant de Géocapa. « Nous sommes sur deux mondes différents, les spécialistes de l’amiante avant-travaux et les diagnostiqueurs plus généralistes qui exercent essentiellement dans un contexte de transaction, mais que l’on tente de faire cohabiter au sein d’un même arrêté compétence. » Thierry Ornaque le sait, lorsqu’il devra se faire re-certifier, son examen portera uniquement sur l’amiante des immeubles bâtis, et non sur sa spécialisation. Sans compter que les organismes certificateurs ne disposent pas aujourd’hui de la compétence en interne pour assurer les contrôles sur ouvrages sur les domaines autres qu’immeubles bâtis…

Luc Baillet, architecte et co-fondateur de RésoA+, renchérit. « D’un côté, on demande à des opérateurs d’être de plus en plus spécialisés en définissant six domaines différents pour l’avant-travaux ; de l’autre, nous demeurons avec un système de certification axé uniquement sur les compétences dans les immeubles bâtis. Finalement, cet arrêté va à l’encontre de ce qui est souhaité par la DGT (Direction générale du travail) puisque l’on interdit à un opérateur de monter en compétence pour se spécialiser dans un seul domaine de l’amiante avant-travaux. »

Pour RésoA+, le nouvel arrêté compétence comme l’ancien ne tient pas suffisamment compte des évolutions du métier, de la spécialisation ou même de la structuration des entreprises autour de l’amiante avant-travaux. Malgré deux réformes apportées au dispositif, l’esprit de la certification de personne demeure le même qu’à sa naissance en 2005. Et le nouvel arrêté a beau s’efforcer de gommer l’expression « diagnostiqueur immobilier » (sauf dans la notice), pour parler désormais de  « diagnostiqueur » tout simplement, il reste d’abord ancré sur l’immobilier.

La certification toujours en sursis

Un nouveau projet d’arrêté compétence devrait bientôt paraître. Pas d’autre choix, l’actuel dispositif est condamné à disparaître au 1er janvier 2022. Début juillet, le Conseil d’État avait en effet annulé l’arrêté du 2 juillet 2018 (mais pas celui de 2016) sur lequel repose l’ensemble du dispositif de certification, tout en laissant généreusement six mois au ministère pour réajuster le tir et sortir un nouveau texte.

Le temps presse, un projet de texte a été présenté aux fédérations pour une publication espérée (mais pas assurée) avant la fin d’année. Sans surprise, hormis quelques aménagements avec notamment une surveillance étendue à tous les domaines de l’amiante avant-travaux, ce texte apparaît essentiellement comme un copier-coller de l’arrêté annulé en juillet par le Conseil d’État sans évolution majeure.

1 Commentaire

  1. Pour pacifier le sujet de la certification des diagnostiqueurs (immobiliers) il n’existe à ce jour que trois alternatives:
    1> soit remplacer le dispositif certifiant par une obligation de formation continue associée à un contrôle aléatoire des diagnostiqueurs par des auditeurs indépendants du milieu des ODI
    2> soit ajuster le dispositif pour permettre une certification adaptée aux pratiques professionnelles – comme celle de Thierry ORNAQUE – avec deux solutions de choix:
    # certification selon un des “menus standards”, combinant plusieurs certificats selon les domaines exercés (plomb, amiante, électricité…)
    # certification “à la carte” , permettant de constituer son parcours particulier en choisissant une spécialisation dans certains domaines, comme par exemple la filière “repérage amiante avant travaux dans le secteur “travaux publiques”
    3> soit scinder (enfin!) le corpus pédagogique en deux blocs, (et donc envisager deux dispositifs de qualification) à savoir:
    # Patrimoine, compris la gestion immobilière, la mise en vente ou mise en location d’un bien immobilier
    # Travaux, compris les travaux de maintenance des articles, équipements, meubles ou immeubles, de leur démolition ou démantèlement, de leur remise en état après sinistre.
    Mais avant d’en débattre, prenez-connaissance de la Malédiction du Diagnostiqueur Certifié, marqué par la septaine, durée récurrente entre deux périodes marquant l’adolescence de ce nouveau métier…
    https://resoaplus.fr/malediction-du-diagnostiqueur-certifie/

2 Rétroliens / Pings

  1. Certification: vers un nouveau recours devant le Conseil d’État • infodiag
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