En l’espace d’un an, seulement, on dénombre presque 400.000 passoires énergétiques en moins selon les dernières statistiques officielles. Du jamais vu. On voudrait y voir les effets d’une ardente politique de rénovation, mais gare aux interprétations rapides: le chiffre est à prendre avec des pincettes, 400.000 passoires en moins ne veut pas dire 400.000 logements rénovés.
C’est officiel. Au 1er janvier 2023, sur ses 30 millions de résidences principales, la France comptait 4,8 millions de logements classés F et G, soit 15,7% du parc. En un an, le parc des passoires thermiques a donc fondu de 380.000 logements selon les statistiques de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (Onre).
Mieux encore, cette baisse se lit à tous les étages: pour les résidences secondaires, pour les logements vacants, dans le public comme dans le privé… Même les logements les plus énergivores, ces fameux “G+” déjà sur la sellette avec une consommation en énergie finale supérieure à 450 kWh/m²/an, reculent sévèrement : 48.000 de moins en l’espace d’un an. Au total, à partir d’une extrapolation de 105.000 DPE, les services statistiques du ministère estiment qu’au 1er janvier 2023, le nombre total de passoires énergétiques est passé à 6,6 millions (17,8 % du parc) contre 7,1 millions (19,5 %) en 2022, soit une baisse de 7%.
Aucune explication officielle à ce reflux, au lecteur d’interpréter les résultats. Forcément, on est tenté d’y voir les effets de la politique de rénovation: 380.000 passoires en moins, on se dit que c’est 380.000 logements rénovés tout ou partie. Le gouvernement a mis les bouchées doubles, avec près de 700.000 MaPrimeRénov’ distribuées en 2022, à première vue, ça colle. Tentant, mais pas forcément très juste.
Le DPE en mouvement perpétuel
L’Onre n’est pas le premier à remarquer ce recul des étiquettes F et G. Depuis 2022, la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim (CDI-Fnaim) publie chaque trimestre un baromètre à partir des DPE compilés par l’Ademe. Dans sa dernière livraison, la fédération du diagnostic observe une nette érosion du parc de passoires thermiques trimestre après trimestre : 17,2% de DPE en F et G recensés au troisième trimestre 2022, 14,2% un an plus tard.
La Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim reste cependant prudente. Car plusieurs phénomènes concourent à dégonfler le parc des passoires. Oui, il y a moins de logements diagnostiqués en F et G, mais ce n’est pas forcément le fruit d’une rénovation : c’est aussi parce que les DPE sont bien mieux préparés en amont. Les clients fournissent de plus en plus souvent des documents (comme des factures, des notices d’équipements, etc.), les techniciens recourent de moins en moins à des valeurs par défaut forcément pénalisantes, et mécaniquement, donc, le bilan des consommations et des émissions de gaz à effet de serre s’en trouve amélioré.
Un DPE mieux préparé en amont peut donc expliquer, en partie du moins, ce reflux de passoires. Une autre explication est aussi à rechercher dans ce DPE en mouvement perpétuel. Remanié en juillet 2021, puis corrigé en novembre de la même année, le moteur de calcul ne reste jamais figé très longtemps. Depuis deux ans, les diagnostiqueurs ont vu défiler vingt à trente versions successives. Dit autrement, un DPE réalisé avec le même logiciel et des données d’entrée strictement identiques, ne donnera pas forcément le même résultat entre 2022 et aujourd’hui.
L’influence de la méthode de calcul sur le nombre de passoires n’est plus à démontrer. L’avènement du nouveau DPE à l’été 2021 avait été suivi d’une valse des étiquettes énergétiques. Alors qu’avec l’ancien DPE, le ministère annonçait 4,8 millions de passoires énergétiques, en 2022, il avait revu son estimation à la hausse passant à 5,2 millions de passoires dans les résidences principales. Un logement n’a pas forcément besoin de travaux pour voir sa classe énergétique évoluer.
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