Face à l’urgence climatique, la transition écologique, et donc la rénovation énergétique, seront des priorités du prochain quinquennat. Assurer l’accompagnement des ménages, mobiliser des moyens budgétaires sur 10-15 ans, doper les rénovations performantes, etc. , dans une note publiée courant mai, l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) en partenariat avec l’Ademe, dessine dix priorités pour réussir l’ambitieux chantier de la rénovation dans le logement privé.
#1 Doper les rénovations performantes
Si l’envol de MaPrimeRénov’ est régulièrement loué par les pouvoirs publics, les limites du dispositif sont aussi souvent dénoncées. Trop de rénovation mono-gestes à l’efficacité de plus en plus contestée. “Le défi réside désormais dans la structuration du marché des rénovations performantes, avec l’objectif de multiplier par 5 le nombre de rénovations BBC, explique Andreas Rüdinger, auteur des dix propositions. Or cet objectif de « sursaut qualitatif » reste encore trop peu intégré dans les politiques actuelles, en ce qui concerne à la fois le niveau des dépenses publiques et leur fléchage en faveur des rénovations performantes et globales.”
#2 Donner une définition claire à la “rénovation performante”
Euh, c’est quoi une “rénovation performante”? La loi Climat et résilience a déjà fourni un effort pour apporter une définition, mais du côté de l’Iddri, cette définition apparaît encore “floue” et comme “une solution de compromis” avec beaucoup de dérogations. “Il semble indispensable de resserrer les critères de définition, en visant systématiquement (sauf exceptions rares) l’atteinte d’un niveau de performance BBC-rénovation ou équivalent (classes A et B du DPE)”, selon le think tank. En outre, cette rénovation performante ne doit pas se limiter aux seuls aspects énergétiques et climatiques, d’autres “dimensions” doivent être considérées: adaptation au changement climatique, confort de vie et santé des habitants…
#3 Réserver les aides aux rénovations performantes
C’est presque un paradoxe. Les rénovations globales sont nécessaires pour atteindre les ambitions de décarbonation, mais elles restent aujourd’hui marginales. Pour les encourager, il est donc proposé “de flécher – progressivement mais résolument – l’ensemble des dispositifs de soutien vers la rénovation performante”. Andreas Rüdinger propose ni plus ni moins que de réorganiser et de restructurer le mille-feuille des aides existant pour que la rénovation globale en forme le cœur, et que les rénovations mono-gestes deviennent marginales. Exactement l’inverse de ce qui existe aujourd’hui.
#4 Profiter de la flambée des tarifs des énergies
Pour faire face à la flambée des coûts de l’énergie, et amortir la facture pour les Français, l’État a multiplié les mesures. Coût de ces dispositions qui s’ajoutent mois après mois? Plus de 25 milliards d’euros sur 2021-2022, soit “plus que l’ensemble des dépenses publiques favorables au climat en 2019”. Autrement dit, beaucoup d’argent dépensé, mais on ne résout pas pas le problème sur le long terme. Le think tank propose donc de “saisir cette opportunité pour lancer enfin la « vague de rénovations »” voulue par l’Europe. Comment? L’Iddri suggère “une vaste campagne de communication et de sensibilisation” pour “accélérer la prise de conscience des Français sur l’importance et les bénéfices des rénovations énergétiques“.
#5 Sécuriser les financements nécessaires
Pour le moment, les financements apparaissent compatibles avec les objectifs bas carbone de 2050. Pour le moment… Car il faudra une montée en puissance, rappelle la note de l’Iddri, notamment pour doper ces fameuses rénovations performantes. “Une trajectoire visant à rénover l’ensemble du parc à un niveau BBC en moyenne devrait conduire à augmenter massivement les investissements dédiés aux rénovations performantes, en les faisant passer de 0,5 milliard d’euros actuellement à 24 milliards d’euros annuels en l’espace de quelques années.” Un tel volume suggère un développement des aides dédiées à une rénovation globale, mais aussi une offre de de prêts renforcée et l’essor aussi du dispositif de tiers-financement.
#6 Accompagner les ménages dans la rénovation
L’accompagnement des ménages doit aussi constituer une priorité “pour massifier les projets de rénovations performantes et globales”. C’est même un “élément clé”. On pense à Mon Accompagnateur Rénov’. Une offre existe déjà, elle doit encore s’étoffer avec des acteurs privés agréés, dès 2023, mais pour l’Iddri, il faudra aller encore plus loin dans l’avenir que le simple conseil. “Pour répondre véritablement aux besoins des ménages et à la réalité d’un projet de travaux, l’accompagnement devra cependant évoluer pour couvrir l’ensemble des dimensions d’un projet de rénovation (architectural, énergétique, climatique, adéquation au projet de vie du ménage, etc.), jusqu’à la conduite des travaux et le contrôle post-travaux si nécessaire.”
#7 Définir les besoins de la filière bâtiment
Rénover globalement et massivement, c’est bien beau, mais la filière du bâtiment aura-t-elle la main d’œuvre et les compétences nécessaires? Les avis divergent sur la question, faute de chiffrage, entre ceux qui y voient un point de blocage majeur dans l’avenir, et ceux qui estiment que la filière n’aura aucun mal à répondre à la demande à partir du moment où elle se structure. Pour trancher, Andreas Rüdinger propose de réunir l’ensemble des parties prenantes pour à la fois réfléchir aux besoins en emplois et à l’évolution des compétences si on veut atteindre les objectifs de 2050.
#8 Veiller au respect des obligations de rénovation
Plutôt que de songer à de nouvelles obligations de rénovations, mieux vaut d’abord veiller au respect de la réglementation actuelle. “La priorité devrait être d’assurer une mise en œuvre efficace des obligations déjà existantes ou adoptées. À commencer par l’obligation d’embarquer la performance énergétique lors des grands travaux (rénovation de toiture, ravalement de façade), rarement mise en application.” Andreas Rüdinger craint également qu’il en soit de même pour les interdictions de location formulées par la loi Climat et résilience à l’encontre des passoires énergétiques. Ces interdictions de location sont censées contraindre les propriétaires bailleurs à effectuer des travaux, mais “l’impact risque d’être minime en l’absence de mécanismes de sanctions clairs”.
Et puis, la loi Climat et résilience a éludé la question de la rénovation pour les propriétaires occupants. “Face à l’ambition des objectifs nationaux, la question d’une obligation de rénovation énergétique généralisée lors des mutations nécessite d’être instruite dans toutes ses dimensions et de l’évolution des compétences pour la rénovation du parc à hauteur des objectifs 2050.”
#9 Faire de la rénovation une politique transversale
La rénovation énergétique ne doit pas être une politique à part, elle doit être transversale à d’autres politiques du logement pour que cette rénovation ne se limite pas justement aux dimensions climatique et énergétique. “De nombreuses autres politiques ont aussi pour objet le logement, sous des angles et avec des finalités différentes.” Quelques exemples en vrac: l’accessibilité, la rénovation urbaine, la lutte contre l’insalubrité, l’adaptation au vieillissement, les risques climatiques, etc. “Pour des raisons historiques et de gouvernance, ces politiques continuent à fonctionner majoritairement en silos, générant un manque de synergies et des opportunités manquées.” Andreas Rüdinger veut donc casser les silos pour intégrer la performance énergétique et climatique de façon transversale dans les politiques ciblant les logements.
#10 Se doter d’une vision stratégique à 10-15 ans
Oui, les plans et les rapports se multiplient, des objectifs existent aussi à 2030, à 2050, mais “on manque encore d’une vision stratégique nationale, capable de fournir la visibilité sur les évolutions et la mise en œuvre des politiques sur un horizon de 10 à 15 ans et permettant d’intégrer l’ensemble des enjeux identifiés”. Deux documents devraient cependant aider à y voir plus clair à l’avenir: la feuille de route de la rénovation énergétique des bâtiments qui doit être annexée à la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la feuille de route sur la décarbonation du cycle de vie du bâtiment prévue par la loi Climat et résilience.
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