Le bien s’est révélé plus petit que la surface mentionnée dans l’acte de vente. Mécaniquement, les vendeurs doivent donc restituer une partie du prix de vente, c’est la loi Carrez. Ainsi, le notaire qui ne s’est pas montré suffisamment vigilant lors de la rédaction de l’acte devra aussi payer les pots cassés.
Exactement 140 m² selon l’acte de vente, 125 m² et quelques poussières en réalité. L’erreur s’explique par la prise en compte d’une dépendance dans le jardin. Si les acquéreurs en ont la jouissance exclusive, ils n’en sont pas les propriétaires. Quinze mètres carrés de différence, pour cette maison réunion de trois lots de copropriétés, vendue 535.000 euros. Cela représente une belle somme. La loi Carrez s’applique. En cas d’erreur supérieure à un vingtième de la surface, le vendeur est tenu à une restitution proportionnelle du prix de vente. Soit 57.000 euros dans le cas présent.
Cependant, pour la justice, cette restitution proportionnelle ne constitue pas un préjudice. On considère que l’on revient au prix qui aurait dû être établi si la surface avait été exacte, selon la loi Carrez. Un retour à la normale, en somme. Ce qui n’empêche pas les vendeurs de se retourner contre le notaire de la vente. Celui-ci n’a pas prêté attention, ou pas suffisamment, ni au certificat de superficie de 2011, ni à un acte de propriété antérieur de 1998 qui mentionnait la surface exacte de 125 m², ni au règlement de copropriété de 1954. Les informations discordantes entre les divers documents auraient pourtant dû lui mettre la puce à l’oreille.
Perte de chance
En première instance, le tribunal avait retenu la garantie au titre du préjudice intégral. Condamnant le notaire à couvrir l’intégralité de la somme restituée 57.000 euros aux acquéreurs. La cour d’appel de Rennes infirme le jugement.
Le préjudice causé par le manque de vigilance du notaire ne peut être autre qu’une perte de chance. « Il est de jurisprudence désormais établie, (…) que si la restitution à laquelle le vendeur est tenu à l’égard de l’acquéreur en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut toutefois se prévaloir à l’encontre du notaire, ayant fautivement reçu la vente avec un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre. » rappelle la cour d’appel.
À combien estimer la perte de chance ? « La jurisprudence retient que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue. Et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Ainsi, la réparation de la perte de chance ne peut donc se confondre avec le montant du dommage lui-même. » Les juges estiment que la diminution de prix aurait été mesurée. Puisque les acquéreurs disposent de la jouissance exclusive de la surface injustement comptabilisée dans l’acte de vente. La perte de chance est évaluée à 80% du montant des condamnations prononcées, en lieu et place d’une garantie intégrale.
6 juin 2023, Cour d’appel de Rennes, n° 22/02049.
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