Le bien a été loué durant des années, avant qu’il ne se révèle non décent. Trop petit, un éclairage naturel réduit, une isolation insuffisante, le bien ne pouvait pas être loué. La propriétaire s’estime flouée, elle parvient à faire annuler la vente opérée presque dix ans auparavant.
Pour être loué, un logement doit afficher un minimum de confort. Dans cette copropriété des Hauts-de-Seine, le bien constitué de deux remises aménagées, de 2,82 m² et 9,79 m² avec une kitchenette, une salle d’eau avec WC. Franchement exigu mais apparemment habitable.
Lors de la vente du local en 2013 (89.500 euros tout de même), la question de sa non-décence ne semble pas se poser. Les locaux ont fait l’objet d’une autorisation afin d’être utilisés à usage d’habitation par le syndicat des copropriétaires, un locataire se trouve dans les lieux, le bail est repris. Et lorsque le locataire quitte les lieux quelques mois plus tard, un nouveau bail est signé.
Cinq années passent, après enquête des services d’hygiène et de santé de la ville, le préfet des Hauts de Seine prend un arrêté mettant en demeure la propriétaire de cesser cette location. Au vu du règlement d’hygiène et de sécurité, plus sévère que les règles de décence, le local est tout simplement jugé impropre à l’habitation: absence de vide sanitaire, superficie de la pièce de vie inférieure à 9 m² à une hauteur sous plafond de 2,30 m, défauts d’isolation thermique et éclairement naturel insuffisant.
Une clause pas suffisamment claire
La machine judiciaire se met en branle. La nouvelle propriétaire réclame la nullité de la vente, et poursuit le notaire pour erreur sur une qualité essentielle du bien. Elle lui reproche de ne pas avoir signalé l’impossibilité de louer ce bien à usage d’habitation, passant sous silence les exigences imposées par le règlement sanitaire départemental.
Le notaire se défend. D’abord, l’acte de vente compte une clause intitulée “notion de logement décent”. De plus, au moment de la vente, le bien se trouvait alors en location meublée, ne constituant pas la résidence principale du locataire et échappant ainsi aux exigences de décence, à la différence du bail que signera plus tard la nouvelle propriétaire.
La cour d’appel estime toutefois que le notaire a failli à son devoir de conseil et d’information alors qu’il savait que le bien était destiné à la location. Si l’acquéreuse a bien reçu l’information selon laquelle la loi impose au bailleur l’obligation de délivrer un logement décent, en revanche “la clause insérée à l’acte de vente n’est pas suffisamment précise en ce qu’elle ne décrit pas particulièrement les exigences du décret de 2002, ni les baux pour lesquels cette obligation a cours.” L’acquéreuse a donc pu être induite en erreur. “En n’insérant pas une clause claire et aisément compréhensible par un acquéreur profane de la nécessité de conclure un bail dérogatoire pour pouvoir louer à usage d’habitation le bien acquis, le notaire a fait perdre une chance à (l’acquéreuse) de pouvoir renoncer à l’acquisition de ce local.”
Le vendeur prétend que l’action est prescrite, mais la cour d’appel rejette l’argument et confirme le jugement d’instance. La vente signée en janvier 2013 se trouve donc annulée, le vendeur devra restituer l’intégralité du montant de la vente (89.500 euros). Le notaire fautif devra également garantir à hauteur de 90% in solidum avec le vendeur les dommages-intérêts, et les frais liés à la procédure.
Cour d’appel
Cour d’appel de Versailles, 6 juillet 2023, n° 22/02497.
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