Plus de 220.000 euros pour n’avoir rien dit des fissures causées par la sécheresse

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Avec la sécheresse de 2003, cette maison du Centre-Val-de-Loire a été très sérieusement endommagée par le phénomène de retrait-gonflement d’argile (RGA). La venderesse le savait, mais elle n’a rien dit. Elle est donc logiquement condamnée, ainsi que l’agence immobilière pour avoir failli à son devoir de conseil.

La facture est douloureuse. En première instance, la venderesse a été condamnée à verser aux acquéreurs la bagatelle de 224.000 euros en réparation de leur préjudice; c’est presque le montant de la vente opérée douze ans plus tôt (232.000 euros). Pour indemniser les acquéreurs, la venderesse a d’ailleurs dû revendre l’appartement qu’elle habitait.

C’est que les dégâts sont sérieux. La sécheresse de 2003 a entraîné des mouvements de terrain qui ont provoqué de nombreuses fissures dans maison, sur les murs, les plafonds, sur les sols. À tel point que la structure a été fragilisée. Difficile de passer à côté. La propriétaire ne pouvait ignorer les dégâts ni même les raisons, d’autant qu’elle a sollicité le maire de sa commune afin de réclamer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et qu’elle a même bénéficié d’une aide à hauteur d’un millier d’euros pour réaliser des travaux.

Au moment de mettre son bien en vente, en 2007, la propriétaire fait réaliser différents travaux. “De simples travaux esthétiques de rebouchage des fissures”, un cataplasme sur une jambe de bois peut-être suffisant pour dissimuler l’ampleur des désordres auprès des acquéreurs, mais à l’évidence insuffisant pour consolider le bien immobilier. La justice écarte toutefois une manœuvre dolosive, estimant que la venderesse septuagénaire et “profane en la matière” pouvait ignorer que les travaux de rebouchage s’avéraient insuffisants.

L’agent immobilier a manqué au devoir de conseil

Lourdement condamnée, l’ancienne propriétaire a fait appel afin que l’agent immobilier chargé de la vente soit aussi appelé en garantie. Pour elle, les fissures restaient apparentes lorsque l’agent immobilier a pris le mandat. En fait, les travaux de rebouchage n’interviendront que quelques mois plus tard.

Pourtant, l’agent immobilier n’a pas alerté les acquéreurs. “Le bien immobilier qui faisait l’objet du mandat présentait d’importantes fissures qui auraient dû conduire un professionnel normalement avisé à se renseigner plus amplement auprès de son mandant sur l’origine de ces fissures et à l’informer quant aux risques éventuels à mettre ce bien en vente en l’état.”. Pour la cour d’appel d’Orléans, l’agent immobilier a bel et bien commis “une faute contractuelle (…) ayant contribué à la vente litigieuse”. Basée à Paris, “l’agence immobilière s’est abstenue de visiter le bien immobilier, se privant de la possibilité de connaître l’état réel de celui-ci et de conseiller utilement son mandat et les potentiels acquéreurs”.

La cour d’appel d’Orléans confirme donc le jugement de première instance et la condamnation de la venderesse. Elle retient aussi “le manquement de l’agence à son obligation d’information et de conseil, qui consiste dans la perte de chance de ne pas vendre son bien immobilier dans ces conditions”. À ce titre, la venderesse bénéficiera de 10.000 euros.

Cour d’appel d’Orléans, 5 juillet 2022, n°19-03686.

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