La rénovation représente un vivier d’emplois, mais aussi un risque de tensions sur ces métiers

Petit exercice de prospective: à quoi ressemblera l’emploi en 2030? Dans un récent rapport, France Stratégie essaye d’anticiper sur les gros bouleversements en perspective. Avec la rénovation énergétique qui prend son envol, le secteur du bâtiment ne sera pas épargné. Oui, la transition écologique représente un sacré vivier d’emplois, mais elle annonce aussi de sérieuses tensions pour les métiers du bâtiment.

“Urgent, recherche diagnostiqueur immobilier.” “Pour le développement de son activité, recrute un conseiller énergétique.” “Ingénieur/technicien, poste à pourvoir immédiatement.” Plombier, plaquiste, couvreur, et on en passe. Ce type d’annonce risque de prospérer un peu plus encore dans l’avenir alors que certains métiers comme le diagnostic immobilier sont déjà en tension et peinent à recruter. Ce n’est guère rassurant, mais selon France Stratégie, l’organe de réflexion rattaché directement à Matignon “la majorité des métiers en tension aujourd’hui continuerait de l’être ou verrait leurs difficultés de recrutement s’aggraver d’ici 2030 en raison d’une faible attractivité”.

L’offre explose avec scénario bas-carbone

Nul besoin de sortir de Saint-Cyr, pour comprendre que la rénovation représente un énorme réservoir d’emplois pour la prochaine décennie. On s’en doutait un peu. La construction, comme les activités de conseil, d’ingénierie ou d’architecture figurent parmi les secteurs les plus dynamiques selon France Stratégie. A l’échelle du secteur du BTP, les auteurs du rapport prédisent “une forte croissance” avec quelque 190.000 créations d’emplois entre 2019 et 2030, dont une bonne proportion de cadres. Des estimations à prendre avec des pincettes toutefois, car selon les mesures en faveur de la transition écologique, elles pourraient bien voler en éclats.

Dans le cas d’un scénario bas-carbone avec des mesures additionnelles pour doper la rénovation -comme cela semble se dessiner à l’heure actuelle-, “la construction (y compris les activités immobilières) serait encore plus dynamique, avec 126.000 emplois supplémentaires par rapport au scénario de référence”, poursuivent les auteurs du rapport. Et aussi 45.000 emplois en plus pour les activités juridiques et de conseil.

Dans le détail des métiers, France Stratégie estime que les métiers du second œuvre directement concernés par la vague de rénovations, pourraient enregistrer 27.000 créations de postes à horizon 2030. “D’autre part, les architectes et cadres du bâtiment – et dans une moindre mesure les techniciens – feraient partie des métiers les plus créateurs d’emplois, avec respectivement 58.000 et 27.000 emplois supplémentaires entre 2019 et 2030. La complexification des chantiers, les avancées technologiques et la nécessité de répondre à la fois aux exigences de confort et de durabilité favorisent, en effet, les emplois d’encadrement et de conception.” Là aussi, les créations de postes pourraient connaître une sérieuse inflation au gré des mesures prises pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Risque de pénurie de main d’œuvre

Plus d’emplois à pourvoir, mais aussi plus de tensions à venir. Car au-delà des nouveaux besoins générés par la transition écologique, il faudra bien remplacer ces dernières générations de baby-boomers qui partiront en retraite d’ici 2030. Ainsi dans le bâtiment comme dans d’autres secteurs, la grande majorité des nouvelles embauches se fera pour remplacer les seniors jeunes retraités.

France Stratégie craint donc des “déséquilibres potentiels” pour certains métiers. C’est le cas pour les ouvriers qualifiés du second œuvre en première ligne de la rénovation énergétique: les jeunes qui débarquent sur le marché du travail ne permettraient de remplacer que six postes sur dix. Cela vaut pour le second œuvre mais aussi pour les autres activités liées à la rénovation. Ouvriers qualifiés du gros œuvre, cadres, agents de maîtrise ou techniciens du BTP, figurent également parmi les métiers avec les plus forts déséquilibres à horizon 2030.

De quoi peut-être interroger alors que la rénovation est promise à une accélération avec des millions de chantiers à absorber en quelques années pour éradiquer ces fameuses passoires énergétiques. Le rapport de France Stratégie pointe du doigt un autre écueil: pour réussir cette ambitieuse transition, il faudra aussi apaiser les tensions auxquels sont soumis les différents métiers indispensables à cette rénovation.

“Les Métiers en 2030”, Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications, France Stratégie/Dares, mars 2022.

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