Le diagnostic essuie bien trop de critiques depuis quelques mois, pour que le ministère ne reste sans rien faire. Au cours d’un webinaire adressé à la profession, mardi, Olivier Klein, ministre du Logement, a officialisé de nouvelles évolutions pour ce DPE. On ne touche pas à la méthode de calcul (cette fois), en revanche, les compétences des diagnostiqueurs vont être sérieusement renforcées.
Non, le DPE ne mérite pas d’être jeté aux orties, encore moins abandonné. Olivier Klein se pose même en « ardent défenseur du DPE ». D’ailleurs, il y voit plutôt une réussite depuis sa réforme en 2021. « Quand j’entends les professionnels de l’immobilier me dire que dorénavant la première chose que demande un client (…) c’est l’étiquette du DPE, alors permettez-moi d’affirmer que c’est une réussite ! »
Quel que soit tout le bien qu’on en pense, on peut au moins lui reconnaître ça: grâce au DPE, la valeur verte devient une réalité. « Le sujet de la performance énergétique, et par extension de la rénovation énergétique, est durablement rentré dans les préoccupations des Françaises et de Français. »
Le bon grain et l’ivraie
Oui, le DPE a sans doute fait énormément depuis sa naissance en 2006, pour sensibiliser les ménages à leur consommation énergétique. Problème, avec la démultiplication des dispositifs adossés au diagnostic, interdiction de location, gel des loyers, et on en passe, le diagnostic croule sous les critiques depuis fin 2021.
Il y a d’abord eu les bugs à répétition de la méthode 3CL. La faute à un nouveau DPE lancé prématurément, et une méthode de calcul pas suffisamment rodée. On oublie, tout est rentré dans l’ordre. L’outil est désormais « robuste », la méthode de calcul « fiable et éprouvée », assure le ministre. Alors où ça cloche encore ? « Nous avons pu constater, et nous constatons encore, une certaine hétérogénéité dans la qualité de réalisation du DPE. » C’est dit avec tact, mais Olivier Klein a sans doute aussi vu les derniers testings à grande écoute réalisés sur la profession, et à l’évidence, ça n’a pas dû l’enchanter. “La réalisation d’un DPE sur un même bien par deux diagnostiqueurs différents doit conduire à attribuer une même étiquette.”
Pas question de jeter le discrédit sur l’ensemble de la filière, il faut séparer le bon grain de l’ivraie. « Les pratiques inappropriées d’une minorité ne doivent pas venir entacher le travail rigoureux du reste de la profession en qui on peut avoir confiance. » Au-delà du plan d’actions promis depuis le printemps 2022, avec notamment le lancement d’une formation en ligne à destination des diagnostiqueurs (le Mooc est désormais en ligne), Olivier Klein annonce également une flopée de mesures pour renforcer la formation et les contrôles des diagnostiqueurs.
Un DPE sous contrôles
Encore une réforme du DPE? Oui, mais uniquement sur la compétence des diagnostiqueurs. Ce chantier devrait vite aboutir, le ministre entend « tenir le calendrier » de la rénovation, un texte sera publié “d’ici l’été”.
Les grandes lignes avaient été présentées aux fédérations du diagnostic courant mars, elles ont été reprises hier : davantage de formation initiale pour les diagnostiqueurs avec « un temps suffisant de pratique sur le terrain en situation réelle »; davantage de contrôles sur ouvrage pour s’assurer que le travail est correctement effectué; davantage de surveillances documentaires de la part des organismes certificateurs; et aussi plus de formation continue « avec notamment la mise en place cas test ». Les certificateurs sont aussi dans le collimateur. Au cours du webinaire, il a été rappelé à plusieurs reprises la nécessité d’homogénéiser les pratiques avec la mise en place d’indicateurs pour que le ministère suive leur activité.
Plus de contrôles de la part des certificateurs, plus de contrôles aussi du côté de la répression des fraudes. La filière du diagnostic est déjà ciblée par des campagnes récurrentes depuis plusieurs années, il faut sans doute s’attendre à une nouvelle opération très prochainement. Les diagnostiqueurs sont prévenus. « Nous allons également nous rapprocher prochainement de Bercy afin d’engager un renforcement de certains contrôles par la DGCCRF », prévient Olivier Klein. L’objectif est on ne peut plus clair, « faire en sorte que ceux qui sont responsables d’un certain nombre de dérives soient sanctionnés ».
“Ces évolutions doivent nous permettre de renforcer les compétences des diagnostiqueurs, d’uniformiser les pratiques et de conforter le rôle de sentinelle des organismes de certification.”
Une feuille de route qui va au-delà de 2023
Les diagnostiqueurs doivent donc s’attendre à une sérieuse inflation des exigences en matière de formation et de certification. On parle de 10 et 14 jours en formation initiale, respectivement, pour les certifications DPE sans mention et avec mention; on parle aussi de trois contrôles sur ouvrage sur un cycle de sept ans, et d’une formation continue d’un jour par an (deux jours pour les DPE avec mention).
Rien n’est fait, des arbitrages interviendront sans doute, le ministère se donne « encore quelques semaines afin d’ajuster les derniers paramètres », afin de veiller, notamment, à la soutenabilité économique pour les entreprises de la filière.
Sacrées évolutions à digérer, et ce n’est sans doute pas fini. « Ces évolutions ne sont qu’une étape d’une feuille de route qui va se poursuivre. » Comprendre que le DPE n’a pas fini d’évoluer en 2024 et sans doute au-delà encore. Hier, Olivier Klein donnait quelques pistes, notamment sur la structuration du métier, avec « la question de l’attractivité de la filière, de l’apprentissage du renforcement de certaines procédures de contrôles ». Le DPE est devenu le « socle » de la politique de rénovation, n’en déplaise à certains, le gouvernement n’entend pas se passer de lui : « (il) se doit donc d’être fiable, c’est la condition de son efficacité et de sa crédibilité ».
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